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LES SABLES MOUVANS[1]

TROISIÈME PARTIE[2]

VIII

Trois ans plus tard, ce fut une stupéfaction dans la famille Fontœuvre quand Marcelle fut reçue à l’École des Beaux-Arts. Jamais on n’aurait cru que cette petite fille fût capable de quelque chose. C’était une grande enfant au regard vague, dont on ne pouvait tirer deux mots. Elle se levait le matin toujours à la même heure, remerciait à peine Brigitte qui lui servait son thé, mettait son chapeau et filait à sa leçon chez Seldermeyer. Elle n’était même plus coquette, se désintéressait de sa figure, s’habillait à la diable de robes trop courtes pour sa longue taille, tordait ses cheveux blonds superbes pour qu’ils tinssent moins de place sous le chapeau. D’ailleurs, avec la venue de l’âge ingrat, elle avait enlaidi. Son visage s’était allongé comme son corps. Sa bouche s’entr’ouvrait habituellement sur de grandes dents inégales. Ses yeux très clairs semblaient ne penser à rien. Chaque après-midi, elle allait dessiner d’après l’antique, à la grande galerie des Beaux-Arts. Certains soirs, elle travaillait dans l’atelier de sa mère jusqu’à deux heures du matin. Et en tout cela, elle avait l’air d’un automate

Son admission même, qui pétrifiait d’étonnement les siens, parut la laisser indifférente. François qui, en octobre, avait

  1. Copyright by Colette Yver 1912.
  2. Voyez la Revue des 1er et 15 octobre.