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LES MASQUES ET LES VISAGES
AU LOUVRE

IV.[1]
CELUI QUI A REMPLACÉ LA JOCONDE


I. — UN PORTRAIT

Il y a quelque quatre cents ans, durant l’hiver de 1519, les humanistes de l’Italie se passaient, de main en main, une sorte de poème en latin, qui venait d’être composé par l’un d’eux, sous la forme d’une lettre adressée par une femme à son mari. Il s’agit de nouveaux époux : la femme est seule à la maison, à Mantoue, avec son nouveau-né ; le mari est à Rome, en ambassade auprès du Pape, occupé de mille affaires dont elle n’a cure. Elle se plaint de son absence et languit après son retour. Seul, son portrait, peint par Raphaël[2], lui remplace l’absent :

Sola tuos vultus referens Raphaelis imago
Picta manu curas allevat usque meus

Et elle rit à ce portrait, elle s’adresse à lui comme s’il était

  1. Voyez la Revue des 15 novembre et 1er décembre 1911 et du 1er janvier 1912.
  2. Autres portraits de Balthazar Castiglione :
    Authentiques : 1° Peinture à l’huile, d’après un portrait fait par Raphaël, en 1519. En buste, nu-tête, de trois quarts, la poitrine coupée par une inscription commençant par Baldasar de Castiliono… et finissant par ANN. MDXXIX. (Au Palais Corsini, à Rome.)
    2° Peinture à l’huile. De face, habillé de noir, avec un chapeau et des gants, un rideau et un paysage au fond. Attribué au Parmesan et supposé de 1524. (Collection du marquis de Lansdowne, à Bowood.)
    3° Médaille de profil droit. Tête nue, cou découvert, drapé à l’antique, avec l’inscription BALTHAZAR CASTILLON, Gr. F. Au revers, Apollon sur un char, attelé de deux chevaux au galop, guidés par des génies ailés, passe derrière le globe du monde où l’on voit figurée l’Italie, avec l’inscription : TENEBRARUM ET LUCIS.
    Présumés avec ressemblance : 1° La tête d’homme, de trois quarts, barbu, coiffé d’un serre-tête, qui figure Zoroastre, tourné vers la tête de Raphaël, dans la fresque l’École d’Athènes, peinte en 1510, par Raphaël (au Vatican).
    2° Le guerrier romain debout, tête nue, armé d’une lance, au premier plan du tableau : la Cour d’Isabelle d’Este ou le Triomphe de la Poésie, par Lorenzo Costa au Louvre).