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batailles aura prononcé ; mais elles ont toutes manifesté un sincère attachement à la paix et, si elles n’ont pas réussi à la maintenir entre les États balkaniques, elles réussiront mieux peut-être à la conserver entre elles, ce qui, en somme, est le plus important. Limiter le champ de la guerre doit être désormais leur principale pensée.

Nous avons dit qu’il y avait eu quelques nuances dans l’adhésion des puissances à la note franco-russe. Des observations sont venues en effet de Vienne et de Londres : elles ont eu, ici et là, pour objet de ménager autant que possible la dignité de la Porte. Très coupable de négligence dans le passé, elle montrait dans le présent une bonne volonté dont il convenait de lui tenir compte : elle annonçait en effet très haut, bien qu’un peu tard, la résolution de faire des réformes en Macédoine ; elle cherchait même à la hâte dans les cartons de ses ministères un projet qui, fait en 1880, avait obtenu alors l’approbation de la commission européenne chargée de préparer le statut politique de la Roumélie Orientale ; elle annonçait, en lui donnant une apparence de spontanéité, l’intention d’exécuter ce projet après y avoir fait quelques changemens devenus nécessaires après trente-deux ans écoulés. Trente-deux ans ! La Porte n’avait pas l’air de sentir qu’un si long retard était sa propre condamnation. Pourquoi n’avait-elle rien fait depuis 1880 ? Pourquoi depuis 1908, c’est-à-dire depuis l’avènement de la Jeune-Turquie, la situation de la Macédoine, aussi bien que celle de l’Albanie, s’était-elle aggravée au lieu de s’améliorer ? Pourquoi tant d’occasions perdues ? On comprend que l’évocation d’un aussi vieux souvenir que le projet de 1880 n’ait produit aucun effet sur les États balkaniques, sur lesquels d’ailleurs rien ne pouvait plus en produire ; mais les puissances européennes s’y sont montrées plus sensibles. Ménager la Porte est devenu le principal souci de quelques-unes d’entre elles.

En Autriche, le comte Berchtold, auteur, on s’en souvient, d’une proposition, dont les intentions n’ont pas paru très claires, a demandé qu’il fût précisé qu’en aucun cas, les réformes ne devraient porter atteinte à l’intégrité de la Turquie, ou à la souveraineté du Sultan. Sur l’intégrité de la Turquie, tout le monde était d’accord ; sur la souveraineté du Sultan, on l’était aussi, mais l’observation du comte Berchtold montre qu’il attachait un prix particulier à ce qu’on laissât le Sultan agir en Macédoine sans avoir l’air de se substituer à lui. La même préoccupation se manifestait dans une seconde observation du ministre austro-hongrois, qui demandait que les réformes eussent le caractère de généralité prévu dans sa propre circulaire. En d’autres