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semaine ; et de temps à autre, l’empereur Napoléon fait donner pour soi et pour ses invités des représentations particulières, où prennent part ses acteurs français, — car Talma, Mme Georges, et d’autres sont ici. J’ai vu ainsi Phèdre et le Barbier de Séville : mais je ne saurais vous en dire mon avis sans devoir transformer ma lettre en une brochure. Sachez seulement que, au Barbier de Séville, j’ai vu que l’Empereur riait souvent, et de la façon la plus cordiale...


Le 1er décembre suivant, Hoffmann écrit de Dresde à un autre de ses amis :


Ici, j’ai éprouvé toutes les impressions que peut offrir le voisinage immédiat de la guerre : j’ai assisté à des escarmouches, j’ai vu un combat important (le 26 août), j’ai visité un champ de bataille : en un mot, mes expériences dans ce genre ne se sont que trop enrichies. Il m’a fallu aussi traverser les angoisses de la famine, et puis aussi une manière de peste, qui continue de sévir et, encore la semaine passée, a emporté près de trois cents personnes : mais, malgré toutes ces épreuves vraiment terribles, jamais je n’ai perdu courage. Pendant que les canons tonnaient autour de Dresde, au point que la terre tremblait et que toutes les fenêtres vibraient, j’ai eu le pressentiment que l’heure, longtemps attendue, de la délivrance allait enfin sonner. Déjà le 11 octobre, j’avais eu l’occasion de voir de tout près (n’ayant pu résister au désir d’aller me poster là sur une éminence) de quelle façon les Français étaient chassés de leur camp fortifié, en avant des remparts extérieurs de Dresde, et comment ils mettaient le feu à leurs baraquemens, et s’enfuyaient avec une rapidité incroyable. Le même spectacle m’a encore été donné le 13 octobre, le 16, et encore le 6 novembre, où, du haut du clocher de l’église Sainte-Croix, au moyen d’une excellente lunette, j’ai vu M. le comte de Lobau chassé des hauteurs de Boksdorf par les troupes russes, et refoulé jusque sous les canons de Dresde. Désormais, mon cher ami, on recommence à respirer librement, et j’ai l’idée que des temps meilleurs approchent pour nous.

En plus de la composition et de mes autres travaux musicaux, je suis en train de me mouvoir aussi très activement in litteris : ou, en d’autres termes, voici que je suis devenu une espèce d’auteur ! Car, pour commencer, un petit livre de moi va paraître à Bamberg, sous ce titre : Pièces de fantaisie dans la manière de Callot, avec une préface de Jean-Paul Richter. Que si ce livre vous tombe sous la main, je serai curieux d’en avoir votre opinion. A côté de maintes choses déjà imprimées précédemment dans la Gazette musicale de Leipzig, vous y trouverez deux morceaux qui peut-être vous intéresseront, à savoir : des renseignemens sur les nouvelles aventures du Chien Berganza, et le Magnétiseur. Deux autres petits volumes paraîtront avant la foire de Pâques. La musique de mon opéra d’Ondme est terminée, et je n’attends qu’une occasion favorable pour la mettre dignement en scène. J’attache une grande importance à cette musique ; et il me semble notamment que, dans les deux rôles d’Ondine elle-même et de Kuhleborn, j’ai tout à fait répondu aux intentions de l’admirable poète.


Les dernières lignes qu’on vient de lire auront un peu de quoi, me