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Chez les Dieux inquiets qu’un pareil attentat,
Le plus inexpiable et le plus scélérat,
Entrant dans leur séjour, échappe à leur justice !
Mais par delà les Dieux, vierge exterminatrice,
Siègent les Lois du monde, et l’éternel Destin
Dont la sentence attend ce qu’aucun bras n’atteint.
Dans l’air supérieur où l’Olympe a sa cime,
Vous vivez abrités des châtimens du crime.
Mais vous ne pouvez pas ne pas garder en vous
Vos crimes accomplis, et n’être point jaloux
Des simples cœurs humains qui sont restés sans faute.
Nul temps ne vous punit, mais nul temps ne vous ôte
Le désir, l’habitude et le succès du mal ;

Vos intangibles cœurs, soustraits au flot lustral.
Dans leurs impunités entretiennent leur vice ;
Votre immortalité devient votre complice,
Mais par elle enchaînés au forfait éternel
Vous chargerez d’opprobre et de meurtres le ciel,
Et vous abolirez vos cultes exécrables !
Pour toi, cruelle qui, de tes bras implacables,
Osas tacher mon corps du sang de mes enfans,
Toi qui pus écouter les appels supplians
Et pus voir sans pitié les larmes d’une mère.
……………………….
Tu ne seras point mère ! En tes flancs inféconds
Nul être ne naîtra ; jamais les chers frissons
Ne frémiront au fond de tes dures entrailles !
Ton ventre ne sera qu’un champ mort aux semailles !
Le lait n’enflera pas tes mamelles d’airain
Et jamais un enfant ne tiédira ton sein !
Ta chair ignorera l’honneur de notre argile !
Tu croiras être pure et tu seras stérile !
Tu perceras de traits les bêtes des forêts,
Et tes chiens aboyans pousseront vers tes rets
Les grands cerfs épuisés dont les yeux ont des larmes !
Déesse des effrois, âpre vierge sans charmes.
Tu vivras pour tuer, tu prendras joie au sang
Quand la meute dépèce, au bord du sombre étang.