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Épargne celles-ci ! Leur cœur est innocent !
Qu’une seule du moins t’apaise de son sang,
Puisque ton trait partit plus tôt que ma prière !
Que la première flèche aussi soit la dernière !
Prends pitié ! Prends pitié’ ! Déesse ! Prends pitié !
Latone est mère aussi ! Que son inimitié
Accepte une douleur que son cœur peut comprends
Et laisse son pardon sur mes filles descendre. »

La déesse gardait toujours son bras tendu,
Et tu lui dis d’un ton toujours plus éperdu :
« Si tu n’es pas encore, ô vierge, satisfaite.
Frappe-moi ! Frappe-moi ! Vois ! Ma poitrine est prête !
Plantes-y tous les traits qui sont dans ton carquois !
C’est moi qui fus coupable, et c’est moi qui te dois
Ce qui peut racheter ma parole imprudente !
Ne perds pas ton courroux sur leur troupe innocente !
Un cœur trop téméraire est caché sous ce sein,
Perce-le de six dards ! Accomplis ton dessein
Sur celle dont l’orgueil trop grand l’a fait éclore,
Et montre, en même temps, la pitié que j’implore ! »

Tes filles t’écoutaient et, tremblantes d’effroi.
Ainsi que des agneaux se serraient contre toi.
Mais Artémis tendait son arc d’or, et sifflante
Vint la flèche ; un grand râle, un peu de voix dolente,
Un doux corps s’affaissa, glissant contre le tien,
Et dont la main cherchante à ton bras se retient.
Une autre ! Une autre encor ! Tu criais éperdue :
« Prends pitié ! Prends pitié ! » Prière inentendue !
Une autre ! Tu criais : « Prends pitié ! Prends pitié ! »
Le corps charmant gisait sur lui-même ployé !
« Prends pitié, » criais-tu ; hagarde et frénétique,
Tu répétais le même et vain cri de supplique,
De plus en plus pressé, brisé de désespoir,
Haletant, convulsif. Il pourrait émouvoir
Les tigres et les ours, mais non pas la déesse,
Mais non l’inexorable et dure chasseresse