Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/922

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laissa glisser l’enfant inanimée à terre,
Pour jeter vers le ciel ton geste de colère ;
Tu savais maintenant d’où la flèche partait !
Ta lèvre, après son cri sauvage, s’apprêtait
A frapper au visage, ainsi qu’avec des verges.
De ton injure un Dieu qui massacrait des vierges.
Ta lèvre fut muette, et ton bras étendu
Qui levait son poing clos demeura suspendu ;
Et ta main tout à coup, — comme quand la surpris
Nous saisit de son choc et nous immobilise, —
S’ouvrit, la paume droite et les doigts écartés !

Niobé ! Niobé ! Tes grands yeux dilatés
De quel prodigieux et terrible spectacle
Étaient-ils étonnés, pour qu’il fût un obstacle
Aux torrens de courroux qui montaient vers ta voix ?
Debout sur le nuage et portant un carquois
Ce n’était plus le Dieu, c’était sa sœur cruelle,
Dans sa tunique courte, à demi nue et belle,
Et plus terrible encor que son frère ; son bras
………………………..
« Déesse dont le sein est celui d’une femme.
Ton cœur y fut formé d’une moins rude flamme
Que celle dont le cœur des mâles est forgé !
Vois de quelle façon ton dur frère a vengé
Un propos imprudent échappé de ma bouche ;
Tous mes fils, la moitié des enfans de ma couche,
Sont tombés, le sais-tu ? sous son bras meurtrier !
Quel forfait inouï ne pourrait s’expier
Par un tel châtiment ? Et ma chétive offense
Ne pouvait mériter cette atroce inclémence !
Elle était pardonnable, et tu la comprendras
Quand un petit enfant aura ri dans tes bras.
Prends pitié d’une mère, ô toi qui seras mère !
Peut-être ignorais-tu ce qu’accomplit ton frère !
Déesse ! Tous mes fils, tous mes fils ont péri !
Tous ! Je n’ai plus de fils, plus de fils ! Que mon cri
Monte vers toi, déesse, et touche ta poitrine ;
Elle ne serait point, sans la pitié, divine !