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C’est elle à qui convient plutôt d’être jalouse
Et de mes jours de mère et de mes nuits d’épouse ! »
Tu t’éloignas du peuple atterré par ces mots ;
Et le tonnerre au loin remplit les monts d’échos !

Niobé ! Niobé ! Quelle force en ta bouche
Mit ton propos impie, orgueilleux et farouche ?
Latone courroucée alla vers ses enfans,
Phœbus à l’arc d’argent, aux regards éclatans,
Artémis à l’arc d’or, à la jambe rapide.
Émue et palpitante et de vengeance avide,
En mots entrecoupés de pleurs, elle leur dit
L’outrage qu’elle avait souffert, elle tendit
Envers eux ses deux mains comme une suppliante,
Les priant de punir la mortelle insolente
Qui, pour mieux l’outrager, les avait défiés.
Si ses propos hautains n’étaient point châtiés.
Qui donc apporterait un hommage à leur culte ?
Et la vengeance doit outrepasser l’insulte,
Sinon leurs trois autels, déserts et négligés,
Ignoreront le cri des taureaux égorgés,
Et le voyageur las, s’appuyant sur leur pierre.
Ne l’honorera plus d’un geste de prière.

Niobé ! Niobé ! de quel fatal orgueil
Ton grand cœur maternel a-t-il tiré son deuil ?
Tes sept fils s’exerçaient ensemble dans la plaine
Pour les jeux réservée au cœur de ton domaine
Si vaste qu’il déborde un horizon entier ;
De la plus haute tour de ton palais altier,
Vers les quatre côtés d’où les quatre vents viennent.
L’œil cherche vainement les monts qui le contiennent !
Ils jouaient à la lutte, ayant conduit les chars.
Toi, tu les admirais. Heureux de tes regards.
Ils s’efforçaient à qui gagnerait ta louange.
Leurs corps nus s’assemblaient parfois en un mélange
De beaux marbres sculptés, tout à coup animés.
Les coups heureux étaient par leurs cris acclamés.