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Et de son corps enfant émanait le sourire
De la lumière d’or et le sacré délire.

Tu refusas l’encens, la prière à l’autel
Où l’on fêtait sa mère en un jour solennel :
« Qu’a-t-elle plus que moi ? dis-tu ; son fils, sa fille,
Que sont-ils comparés à la noble famille
Que mes flancs ont portée et que nourrit mon sein ?
Qu’a-t-elle fait qui soit plus illustre et plus saint
…………………………
Que mes maternités, pour causer son orgueil ?
Si leur père immortel n’écartait point le deuil
De leurs têtes, la mort pourrait, d’un seul passage
De sa sinistre main, achever l’effeuillage
D’un rameau qui n’a su produire que deux fruits !
Que d’embûches, de longs retours et de circuits
Il faudrait au Trépas pour dépouiller mon arbre !
Ses deux enfans tiendraient sous un morceau de marbre.
Il faudrait pour les miens un chemin sépulcral !
Nul destin n’est toujours en son bonheur égal.
Le malheur n’est jamais très loin de notre joie ;
Si Pluton devait prendre à mes côtés sa proie.
J’aurais toujours des fils pour soutenir mes pas,
Et des filles encor à serrer dans mes bras.
Lorsque je pleurerais comme pleure une mère !
La fierté de Latone est vaine et téméraire :
Mes enfans pourraient faire aux deux siens des défis,
Mes filles à sa fille, et mes fils à son fils.
Celles-là pour le charme et ceux-ci pour la force.
On pourrait opposer Apollon, torse à torse.
Contre un de mes garçons qu’on prendrait au hasard,
Ou les faire lutter à la course du char ;
Je verrais le combat, d’un œil et d’un cœur calmes.
En sachant quelle mère aurait bientôt les palmes
Que viendrait en ses mains déposer le vainqueur,
Et c’est pourquoi Latone usurpe cet honneur
Où sa fécondité prétend être fêtée !
Je nie à son autel l’offrande imméritée ;
Je ne lui verserai ni l’huile, ni le vin ;
Quel que soit son courroux, elle aura mon dédain ;