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Elle avait seulement fait mûre ta jeunesse,
Elle avait de ton geste élargi la noblesse,
Et couronné ton front de plus de dignité ;
Ton corps semblait plus fier du long fardeau porté !
Sept filles et sept fils, ton orgueil et ta joie,
De leur troupe robuste embellissaient la voie
Où tu les précédais, presque aussi jeune qu’eux !
Mais trop d’orgueil entra dans ton cœur trop heureux !
Il te fit oublier quel espace sépare
Du lot humain le sort des Dieux ; et qu’il s’égare
Hors de la piété, hors du sentier étroit
Le long duquel la fleur des félicités croît.
Celui qui se compare aux Êtres Immortels,
Qui du rang souverain sont jaloux et cruels.

Niobé ! Niobé ! Quelle démence amère
Te fit jeter l’affront à Latone, à la mère
De Phœbus Apollon, le jeune dieu du jour,
Lui dont l’arc est d’argent, d’Artémis qui parcourt
Les monts et les forêts, divine chasseresse,
Elle dont l’arc est d’or ? Ils ont égale adresse,
Ils portent, l’un et l’autre, à l’épaule, un carquois
Dont l’infaillible flèche est au but quand leurs doigts
Ont à peine lâché la corde encore vibrante.
Qui te fit offenser la déesse puissante
Fière d’avoir à Zeus donné ces deux enfans.
Beaux comme leurs rayons et comme eux triomphans ?
Lui surtout, qui naquit dans Délos, la pierreuse,
Quand, au pied du palmier, dans la prairie herbeuse.
Sa mère délivrée, heureuse tout à coup,
Le prit tout rayonnant déjà sur son genou.
L’île naguère morne, ingrate et décharnée
D’un immense éclat d’or devint illuminée :
Les prés, les ruisselets, les rochers furent d’or.
L’or revêtit les bois et les monts et le bord
De la mer et les plis de sa houle rythmique ;
Les airs s’étaient remplis d’odeurs et de musique !
Car le Dieu qui venait au monde était celui
Par qui la lyre chante et par qui l’azur luit ;