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Il n’y a point d’année qui n’apporte la nouvelle d’une découverte sensationnelle en métallurgie, nouvelle le plus souvent grossie et déformée par la presse. D’ordinaire, on s’aperçoit bientôt qu’il n’y avait pas lieu à tant de bruit. Le métal pourtant devient sans cesse plus résistant, on sait mieux disposer les cuirassemens. On a préconisé on Italie les coques en ciment armé. On signale aujourd’hui en Allemagne les plaques Schaumann formées par la superposition d’une partie en acier durci sur une autre en acier à l’aluminium. La résistance serait considérable sous faible poids. Demain sans doute, quel que soit le sort de telle ou telle de ces innovations techniques, un progrès de ce genre facilitera la protection contre la torpille. Les moteurs à combustion interne, les turbines à pétrole remplaceront peut-être bientôt les vieilles machines à vapeur. En désencombrant les cales du navire, les transformations à espérer à cet égard laisseront plus de place à la protection. Et, dans la forme des bâtimens, on cherchera à réunir les conditions propres à en diminuer le poids. Moins les bateaux auront, par exemple, de profondeur, moins haute sera la surface à protéger.

Le principe de la défense contre la torpille une fois posé, de nombreuses conséquences en découleront dans les diverses branches de l’art naval. La marine qui la première aura su les mettre en pratique jouira probablement d’un avantage précieux sur ses rivales. C’est pourquoi nous voudrions que la marine française devançât le progrès commun sur ce point, comme elle a fait sur tant d’autres au cours du siècle passé. Il ne faut pas cesser d’appeler l’attention du pays sur l’urgence d’un problème dont la solution, en dominant sa politique navale, doit importer si grandement à la conservation de ses colonies et à son rôle dans le monde.


GEORGES BLANCHON.