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Pour toutes ces raisons, le tonneau de protection contre la torpille réduit beaucoup plus les facultés militaires à tonnage égal que ne le ferait le tonneau de cuirassement contre le canon. La proportion est au moins du triple, peut-être du quadruple.

Mais n’est-ce pas là mal poser le problème ? Il ne s’agit pas dans la pratique, en face des nécessités internationales traduites en données stratégiques, de tirer seulement le meilleur parti d’un déplacement fixé d’avance ; il faut au contraire réaliser, dans des limites de tonnage auxquelles les moyens humains laissent une notable élasticité, le programme d’une unité de combat complète. On est obligé de faire aussi bien que l’étranger et d’égaler autant que possible l’effort technique des puissances qui peuvent devenir nos ennemies. La compétition navale est donc un concours passionné, où chacun apportera nécessairement toutes ses capacités financières, administratives, scientifiques, industrielles. Là où les facultés militaires seront contrariées par les exigences de la protection des fonds, on ne pourra échapper à la nécessité de chercher ailleurs le moyen de les maintenir à leur maximum réalisable et utilisable, en retrouvant quelque part pour les organes qui les conditionnent la place perdue aux abords de la coque : d’où augmentation nouvelle du déplacement. « 

Il semble à beaucoup de personnes que cette augmentation pourrait être restreinte par les progrès à escompter dans la qualité des matériaux, dans la puissance spécifique des machines et mécanismes de toute sorte, dans la construction des navires. Et en effet, tout ce qui donnera jour à une réduction des poids et des volumes exigés pour l’installation de quatre ou cinq tourelles multiples et du plus gros calibre, escortées d’une nombreuse artillerie légère et de tubes lance-torpilles, le tout couvert par une protection efficace et transporté sur la surface des mers dans un large rayon par un moteur suffisant pour de grandes vitesses, tout cela abaissera la limite inférieure du déplacement imposé au cuirassé complet. Il reste à savoir dans quelle mesure les puissances navales auront intérêt à s’en tenir à cette limite inférieure et la mesure sera sans doute variable suivant les temps et les pays. Mais le jour où ce cuirassé complet aura été lancé pour la première fois par l’un quelconque des concurrens mondiaux, aucun des autres, s’il veut encore compter dans le monde, n’aura loisir d’en rester aux types périmés.