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on doit absorber, avec faible déplacement, la force vive des grosses pièces de canon en recul sur leurs affûts, on est amené à lui opposer l’élasticité de systèmes divers, dont le type premier est le ressort. Contre la brutalité des attaques, il y a deux armes : la force et la souplesse. Puisque ici la force ne suffit pas, on est tenté d’employer la souplesse, de faire appel à ce qui plie et ne rompt pas. Notons d’ailleurs que les phénomènes de la vie nous donnent le premier exemple. C’est la protection du poil superposé au cuir qui épargne aux animaux la plupart des blessures. Le plumage des oiseaux les couvre mieux encore. Dans aucun ordre de choses on ne peut se flatter de résister aux violences trop brusques, à moins de s’y être pris de loin. Ce n’est pas l’assaut, ce sont les approches qui décident vraiment du sort des places.

Bien des applications de ce principe s’offrent à l’esprit. Nous ne doutons pas que nos ingénieurs ne parviennent à en réaliser de pratiques. Naturellement, cela n’ira pas sans dépenses d’espace et de poids : il faut payer la rançon de la sécurité.

La maison Vickers s’est inspirée d’une idée analogue en étudiant le système Elia, qui n’a pas encore été expérimenté en grand. Il comprend, à trois mètres environ de la coque, intérieurement, une cloison cuirassée, cintrée en arrière, comme celle du Mirabeau. Dans la chambre de détente ainsi ouverte aux gaz, et communiquant par en haut avec l’atmosphère extérieure au moyen de plusieurs évens, l’impulsion destructrice rencontrera une sorte de voile mobile, formé par un réseau de gros câbles métalliques. Au centre, ces câbles présentent un repli, une anse dont les deux extrémités sont rapprochées et jointes par ce qu’on appelle des bosses cassantes, c’est-à-dire par des liens destinés à se briser les uns après les autres sous l’effort extérieur. Le déplacement des câbles et la rupture des bosses, suivie peut-être de celle des câbles eux-mêmes, absorberont une certaine énergie qu’on espère assez considérable pour que la cloison cuirassée n’ait pas trop à souffrir.

Supposons-la défoncée, la protection n’est pas encore au bout de ses moyens. Il lui reste l’organisation des espaces qui vont être envahis par l’eau. Elle a pu y faire régner un compartimentage qui limite la gravité de la blessure. L’introduction de quelques tonnes d’eau dans la coque d’un grand cuirassé n’importerait pas beaucoup si la quantité totale pouvait être assez