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font la dépense gardent autant que possible le secret sur leurs constatations. Comme c’est pourtant l’un des points d’où dépendra toute l’orientation des marines de demain, il importerait que la nôtre fût mise à même de ne pas se laisser distancer dans les études de ce genre. Dans l’incertitude théorique et devant les résultats négatifs obtenus jusqu’à ce jour, on a renoncé, pour nos cuirassés de 23 000 tonnes, à toute protection intérieure contre la torpille. Il faut être prêt à y revenir dès qu’on en pourra espérer de bons effets.

Ce qui constitue la difficulté du problème à résoudre, c’est le mécanisme même de l’explosion. De celui-ci les premières études entreprises ont du moins permis de se rendre compte : l’explosion ne se compose pas d’un choc unique, que les résistances superposées parviendraient à arrêter, si fort soit-il, mais d’une succession de battemens dans les deux sens. L’impulsion primitive est bien une poussée venant du centre explosif, mais l’élasticité des milieux intermédiaires produit aussitôt un rappel presque aussi fort que cette poussée et plus dangereux peut-être. Les résistances matérielles sont arrachées, et le phénomène se reproduit plusieurs fois, en défonçant toutes les cloisons successives. On avait cru d’abord qu’en remplissant leur intervalle avec une matière inerte comme la cellulose ou le charbon, on amortirait le coup ; mais on a constaté que ces pulsations vidaient à l’extérieur ce remplissage des compartimens. La puissance formidable de l’explosion, en prenant successivement à revers toutes les défenses qu’elle a franchies, complique terriblement le problème.

Ses effets sont concentrés néanmoins, suivant un cône de projection assez étroit au delà du premier obstacle. La force vive qui s’y déplace dans le sens de la projection ou en sens inverse, brise, presque sans s’y amortir, toutes les murailles solides qui lui sont opposées. Quand elle rencontre un liquide, au contraire, elle peut s’y dissiper en partie en poussées divergentes. Le matelas d’eau est la vraie cuirasse contre la torpille. Malheureusement, la considération des poids nécessaires a empêché de l’expérimenter de façon suivie. Les premiers résultats étaient assez encourageans pour mériter une étude plus approfondie.

C’est en définitive par l’interposition d’un matelas d’eau que bien souvent agirait un filet Bullivant, à savoir dans les cas où il déterminerait lui-même l’explosion de la torpille. Les anciens