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On entreprit l’étude expérimentale de la question dès que la menace de la torpille apparut comme un des facteurs de la guerre future. En t880, on essayait de tripler les coques. La marine anglaise réalisait bientôt des expériences sur le cuirassé Hercules. En 1895, M. Berlin put soumettre à l’explosion d’une charge de fulmi-coton un caisson destiné à représenter un cuirassé. Un peu plus tard, en donnant les plans du garde-côte Henri-IV, il y plaça, en arrière de la coque, une cloison blindée à 3 centimètres. On fit encore un caisson d’expérience d’une disposition et d’une résistance semblables à celles du garde-côte et on l’essaya en 1901. Plus tard, la construction du Mirabeau et des bâtimens de sa classe, sur lesquels avait été prévue une protection du même genre, donna lieu à un nouvel essai, qui eut lieu en 1908. A l’étranger, les Anglais avaient fait, le 4 septembre 1903, exploser une torpille contre le vieux cuirassé Belle-Isle, qui sombra en vingt minutes. On en a depuis lancé d’autres, chargées à 100 kilogrammes d’explosif, contre des plaques d’acier cémenté de 200 millimètres d’épaisseur. La marine allemande vient de reprendre ces expériences en grand secret. Dans tous les cas, les murailles successives ont été déchirées. Rien ne résiste à l’explosion. Pourtant, le dispositif adopté sur nos cuirassés de la classe Mirabeau limite assez les effets produits au delà de la seconde cloison, qui est blindée, pour que la sécurité du bâtiment ne soit pas compromise par une seule torpille. Il n’en est pas moins vrai qu’un bateau blessé de la sorte a bien des chances de sortir momentanément de la ligne d’escadre, en perdant du même coup une partie de ses moyens. L’accident, s’il se produisait en plein combat, comporterait donc des conséquences graves.

La guerre russo-japonaise n’apporte sur ce point qu’un exemple insuffisant. Le croiseur cuirassé russe Cesarewitch avait été construit aux chantiers de la Seyne peu après l’apparition du garde-côte Henri-IV et sur le même principe. A la bataille du 10 août 1906, il reçut à l’arrière une torpille qui ne lui fît pas grand mal et n’empêcha pas sa fuite. Il ne semble pas que les circonstances particulières à ce cas permettent d’en tirer une conclusion.

Les quelques expériences faites jusqu’ici n’ont pu préciser les conditions dans lesquelles on parviendra à s’opposer aux effets d’explosion. Ces expériences coûtent cher ; les pays qui en