Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est, en général, un ensemble de deux lames d’acier tranchantes, fixées à l’avant de la torpille et qui déchirent ou cisaillent le filet. Quand le choc se produit sous l’incidence normale et en pleine vitesse, c’est-à-dire pour les tirs à moins de mille mètres, la déchirure se produit et généralement la torpille passe. Mais elle ne passe pas sans déviations : souvent elle ira, par suite, toucher trop obliquement pour exploser. On s’occupe de munir les pointes percutantes d’une antenne permettant de doubler l’angle utile. Néanmoins, la nécessité de tenir compte des filets, par cela seul qu’elle oblige à armer de coupe-filets toutes les torpilles, accroît les complications et les chances d’insuccès. Le coupe-filet réduit la vitesse de la torpille de trois nœuds et nuit à sa stabilité de route ; au choc sur la coque ennemie, il écarte de cette dernière la charge explosive et par là diminue de moitié les effets de l’explosion.

Une installation de filets Bullivant coûte une centaine de mille francs au plus. Son utilité peut être accrue par les gains à prévoir dans la qualité du métal ; on peut encore faire plus lourd, c’est-à-dire plus solide sans surcharge excessive pour le bateau. Quand on n’obtiendrait qu’une certaine sécurité morale, ce serait déjà beaucoup pour les équipages soumis à la hantise de l’attaque sous-marine. Mais le filet a fait ses preuves. Grâce à lui, à la fin du siège de Port-Arthur, le cuirassé Sébastopol, déjà blessé et échoué en rade sous la montagne du Loup, faisait tète aux torpilleurs. Des cent et quelques torpilles lancées contre lui, deux seulement parvinrent à le toucher et à faire explosion ; en relevant ses filets, il en releva huit ou neuf prises dans les mailles.


VII. — L’ÉVOLUTION DU CUIRASSÉ

Nous avons passé en revue les moyens de protection extérieurs au cuirassé ; nous allons maintenant en trouver d’intérieurs. Les filets Bullivant utilisables au mouillage, ou en marche par très faible vitesse, cessent de l’être dans les conditions ordinaires du combat, sur le champ de bataille, au moment décisif. Il fallait songer à une autre protection qui fût de tous les instans, toujours en place, ne demandât aucune manœuvre particulière et restât, somme toute, incorporée au flotteur lui-même.