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est réalisable au mouillage. Il en existe un autre où elle peut être tentée en marche, par un dispositif également praticable au mouillage : nous voulons parler des filets Bullivant. Nous entrons ici dans la seconde espèce de défense, la défense directe contre la torpille. On ne vise plus à combattre le bateau porteur de torpilles, pas même à l’arrêter. On se contente de résister à ses coups. Peu importe que le projectile automobile vienne d’un sous-marin, d’un torpilleur, d’un cuirassé, d’une batterie de port ; c’est lui seul que l’on considère. Aussi bien est-ce la chose intéressante.

Les filets Bullivant sont des rideaux en fils d’acier soutenus sur les flancs du bateau, à quelque distance de la coque, par de petits mâts horizontaux et mobiles qu’on appelle des tangons. Gréés par l’industriel anglais Bullivant, ils furent adoptés par la marine britannique dès l’apparition de la torpille automobile. Nous suivîmes cet exemple en 1885, mais devant les inconvéniens révélés par la pratique, nous avons supprimé les filets : ceux de l’arrière en 1892, ceux de l’avant en 1894, et le reste en 1897. A l’époque de cette suppression, nous étions presque seuls à posséder des torpilleurs ; les sous-marins n’étaient encore que des bateaux d’expériences ; si nous comptions beaucoup sur nos torpilles, celles de nos rivaux n’avaient guère lieu de nous effrayer. Depuis lors, les choses ont changé. A côté de la marine anglaise, qui n’avait jamais renoncé au principe des filets et qui vient de l’étendre à ses cuirassés rapides eux-mêmes, la marine allemande s’y est ralliée dernièrement. La menace du sous-marin et de la torpille ne permet plus de négliger un moyen de défense resté jusqu’ici le moins inefficace de tous. On a fini chez nous par y revenir pour les cuirassés du dernier modèle.

Les critiques faites aux filets Bullivant sont les suivantes.

Le croisement de leurs tangons a toujours été chez nous une opération longue et compliquée qui mobilisait une grande partie de l’équipage. Autrefois elle prenait un quart d’heure. Les Anglais étaient arrivés à de meilleurs résultats. En perfectionnant d’année en année le matériel et l’entrainement, on a pu parvenir à abréger l’opération d’une façon surprenante. Pour la mise en place des filets, nous relevons au cours d’exercices en escadre un minimum de une minute dix secondes pour le Dreadnought et un maximum de trois minutes trente secondes