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veut. Ce sont encore sa volonté, son intelligence et son pouvoir qui triomphent par le canon. Il n’est pas, nous l’avons dit, d’arme plus docile au mouvement de l’âme qui la commande : aux limites de l’horizon, en quelques secondes, le coup formidable va frapper où le regard a porté : c’est l’éclair de Zeus, presque aussi prompt que la pensée.

Je me suis attaché à montrer ailleurs que le canon avait sur toutes les armes sous-marines une autre supériorité, celle d’être seul applicable aux opérations qui sont la première raison d’être des flottes, les opérations contre la terre. Quelque paradoxal que cela paraisse, le rôle le plus essentiel d’une flotte militaire, son rôle primitif historiquement, et son rôle ultime logiquement, consiste dans l’attaque des côtes et le débarquement des troupes d’invasion. Par là seulement peut être exercée sur l’ennemi jusque dans ses foyers cette coercition matérielle qui est le dernier mot de la guerre. Et si les opérations militaires de notre temps, pour la plupart, ne vont pas jusqu’à cette extrémité, c’est seulement parce qu’à partir d’une certaine disproportion établie entre les forces militaires adverses, le moins fort a plus d’intérêt à se soumettre tout de suite aux exigences du vainqueur. Il perdrait trop en obligeant celui-ci à réaliser jusqu’au bout les menaces dont l’accomplissement ne dépend désormais que de lui. Ainsi la maitrise de la mer, parfois presque indifférente en elle-même, est le premier but de la guerre navale, parce qu’elle devient un signe du pouvoir pris par le vainqueur sur le littoral du vaincu. La puissance navale qui se priverait bénévolement, ayant d’autres armes contre les bateaux ennemis, de la force contre la terre, force représentée par la formidable artillerie d’une escadre de haut bord, diminuerait par cela seul sa situation militaire dans le monde.

Les raisons précédentes plaident en faveur de la grosse artillerie ; et si cette dernière assure des avantages aussi importans, il faut bien s’efforcer de donner dans nos flottes le premier rang aux types de navires qui, à égalité de tonnage, de dépense ou de facilité d’emploi, rassembleraient la plus grande puissance d’artillerie. On peut concevoir le sous-marin armé de canons. S’il en devait faire usage contre des adversaires semblables à lui ou contre la terre, il ne pourrait manquer de se couvrir, d’entourer ses pièces d’une carapace cuirassée. Ce ne serait qu’un cuirassé submersible. La nouvelle fonction ainsi