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le blocus des ports ennemis par des sous-marins, des barrages et des mines automatiques, enfermant les unités navales au dedans ou au dehors du port, et, dans le premier cas, leur interdisant de nuire, dans le dernier, ne leur permettant pas de se ravitailler.

De tels blocus ne se franchiraient pas comme les blocus très imparfaits d’aujourd’hui, dont se rit le sous-marin : c’est une question de nombre en ce qui concerne les mines et d’organisation pour en garantir le réseau. Il n’est d’ailleurs pas certain que sur des lignes de rencontre aussi nettement délimitées, le combat sous-marin d’escadrilles en immersion soit à jamais impossible. D’un autre côté, le sous-marin autonome, quel qu’il soit, parait condamné à remonter à la surface de temps à autre pour recharger ses accumulateurs. À ce moment, il est à la merci d’une torpille lancée par un ennemi en plongée, c’est-à-dire invisible.

Ainsi donc, nous voici amenés à tenter, avec des escadres sous-marines, des débarquemens et des blocus prolongés, c’est-à-dire à y loger des services multiples et compliqués, d’importans approvisionnemens. Cela nous conduira sans aucun doute à des types de grands bateaux. Le triomphe absolu de la torpille ne serait pas celui de la poussière navale. Et sans doute ces grands bateaux, ayant à bord la place disponible, ne resteraient pas dépourvus d’artillerie, quand ce ne serait que pour appuyer leurs manœuvres de débarquement ou pour combattre les dispositions prises à terre, aux abords des rades, contre les blocus.

Mais nous sommes là en plein rêve, dans la supposition que la torpille, produisant sans limites tous ses effets logiques, a fait disparaître entièrement les bateaux de surface. Dans la réalité, ces bateaux existent et sont encore les maitres de l’Océan. Tout ce qui est tend à se défendre, à maintenir son principe. Le cuirassé se défendra-t-il ? En trouvera-t-il les moyens ? Le principe qu’il représente tient-il trop au fond des choses pour pouvoir disparaître de la guerre navale ?

Le cuirassé, c’est, dans l’offensive et dans la défensive, l’affirmation de l’industrie humaine. Alors que le sous-marin profite, pour se soustraire aux coups, de la protection de l’eau, le cuirassé s’entoure d’une ceinture d’acier fabriquée à sa convenance, perfectionnée pour lui d’année en année, et où tout le génie humain s’obstine dans un progrès que rien ne borne. De la cuirasse, l’homme peut se dire qu’avec le temps il fera ce qu’il