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peut-être même en pleine mer, soit par l’escadre, soit par un convoyeur.

Il ne suffit pas d’avoir les jambes longues, il faut pouvoir s’en servir. Le sous-marin peut naviguer par tous les temps, même ceux qui obligent les contre-torpilleurs à se mettre à l’abri. L’agitation de l’eau n’est pas un obstacle au lancement, qui se produit par un tube immergé. Elle est favorable à l’approche dissimulée : c’est par calme que le périscope se détache le mieux sur la surface unie de la mer.

Dans les débuts, la durée des expéditions se trouvait étroitement limitée par la fatigue du personnel. Odeurs de cuisine, de vêtemens mouillés, de graisse à machine, sans compter celle des hommes malades, ballottement, vie en vase clos, sans air ni lumière du dehors, tout cela épuisait bientôt les plus résistans. Des expériences physiologiques précises, réalisées avec des appareils de mesure, en ont donné la preuve. Depuis lors, on a obtenu le confortable nécessaire. Le rayon d’action humaine égale le rayon d’action mécanique. Des voyages comme ceux du Papin, se rendant seul de Rochefort à Bizerte, dès 1909, en font foi. L’Archimède a fait une traversée de 1 400 milles en cinq jours sans escales.

Que manque-t-il donc au sous-marin ? Il lui manque un approvisionnement de torpilles suffisant pour profiter de toutes les rencontres au cours de ces opérations à grand rayon et pour pratiquer le tir en éventail. Il lui manque les moyens de se défendre quand il navigue en surface. Car sa vue est courte : il peut être surpris et exposé aux coups pendant les quelques minutes nécessaires à préparer la plongée. Les destroyers auront vite fait de l’approcher et de le couvrir de projectiles ; des bateaux de commerce, inoffensifs en apparence, peuvent se révéler ennemis ; il peut se trouver brusquement en face d’un sous-marin émergeant près de lui. N’oublions pas que la moindre avarie met sa vie en péril. Contre les bâtimens de faible tirant d’eau, ses torpilles ne lui seraient d’aucun secours. On l’a donc armé de canons. Les Anglais ont commencé, les Allemands suivent ; nous devrons en faire autant.

Il est assez curieux de voir le sous-marin, protagoniste de la torpille par excellence, s’adjoindre une batterie d’artillerie. C’est une marque de la tendance naturelle à la concentration des armes, et un motif de plus pour penser que si notre cuirassé