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constituaient un danger permanent pour le bateau qui les portait. La seule explosion de leur réservoir d’air sous le choc d’un projectile pouvait causer les plus graves dégâts.

Malheureusement, les tubes sous-marins, s’ils ont l’avantage d’être installés dans une partie à couvert du feu ennemi, offrent l’inconvénient d’encombrer beaucoup les fonds du navire. C’est là que l’espace est le plus limité ; or les mécanismes de sécurité nécessaires au fonctionnement de ces tubes sous l’eau en font des appareils très volumineux. Les torpilles, elles aussi, tiennent une grande place. Il faut donc un très vaste bateau pour porter un fort armement en torpilles. Ainsi l’efficacité nouvelle de ces dernières, en rendant indispensable la prévision de leur emploi sur le champ de bataille, concurremment à celui du canon, pousse à l’augmentation des tonnages.

Il ne semble pas qu’on ait jusqu’ici dépassé, pour les tubes sous-marins, le nombre de six par bâtiment. On a conçu des projets d’un cuirassé fait pour la torpille, avec une vingtaine ou une trentaine de tubes en casemate, c’est-à-dire aériens. On ne peut s’y dispenser ni d’un épais cuirassement, ni d’une artillerie légère destinée à écarter les torpilleurs, et qu’il faut protéger à son tour. Le cuirassé-torpilleur ne serait pas moins énorme que le cuirassé canonnier.

Il lui faudrait des vitesses particulièrement grandes, car il devrait imposer à son but une position relative qui permette à la torpille d’atteindre et d’exploser. Le peu de précision du tir le rend illusoire contre l’étroite silhouette d’un bateau présenté de pointe, par l’avant ou l’arrière ; d’ailleurs, les incidences dépassant 30° actuellement, et, en tout cas. 60 ou 70, quand les derniers progrès seront réalisés, sont trop obliques pour faire jouer la pointe percutante. La torpille ricoche sur les formes fuyantes. Il faut de toute nécessité présenter les attaques dans certains secteurs avoisinant le travers du but.

Comme arme du cuirassé ou du grand croiseur, la torpille n’offrirait ni plus de commodités ni plus de ressources que le canon. Et c’est peut-être là, avons-nous dit, qu’elle rencontre cependant les conditions d’un pouvoir étendu. Elle y est assurée du nombre de ses tubes et de leur approvisionnement abondant ; elle y a le choix indispensable des positions d’attaque ; enfin elle y est portée par un bateau capable d’affronter toutes les mers sans trop perdre de sa vitesse, de parcourir de vastes