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principales puissances ont spécialisé pour ce travail de grands transports ; elles en ont construit à cet effet. Chacun reçoit au moins 300 torpilles. Deux de ces bâtimens, chez nous, sont en cours d’essai ou d’achèvement. Il en est prévu pour accompagner les escadres. Dès la déclaration de guerre, plus tôt peut-être, les points importans des côtes belligérantes seraient un nid de mines automatiques, et l’on suppose qu’en cas de conflit entre l’Allemagne et l’Angleterre, la mer du Nord serait minée tout entière, comme le fut la mer Jaune en 1904. (Il a été posé environ 5 000 torpilles autour de Port-Arthur.)

Pour se frayer un chemin, on a songé parfois à provoquer devant soi la détonation des torpilles par celle d’une forte charge de coton-poudre ; le procédé est coûteux et n’ouvre que d’étroites passes. Il est plus pratique de draguer, soit au moyen d’un câble traîné par deux bâtimens légers, soit avec un filet de pêche. On mobiliserait à cet effet les chalutiers à vapeur et remorqueurs de l’industrie.

Plus aisément encore que la torpille automobile, la mine se prêterait à l’augmentation des charges explosives. Est-ce donc l’arme de l’avenir, celle qui fera disparaître toutes les autres ? Certains l’ont cru. Ils n’ont pas convaincu les marins.

La mine est aveugle. Elle soulève, de la part des neutres, des objections qui ne feront que croître avec le progrès des échanges et des mœurs. Une fois mouillées, les mines fixes sont difficiles à relever, à retrouver. La mer les déplace, les détache de leur ancre. Il en est d’ailleurs de primitivement flottantes, les seules qu’on puisse employer par grand fond. Elles errent au gré des vents. On en a rencontré jusqu’en 1908, trois ans après les opérations, fort loin de Port-Arthur et même du Petchili. Elles ont causé la perte de plusieurs navires de commerce. La conférence de La Haye impose donc à leur emploi des restrictions. Il reste seulement à savoir si ces règles seront respectées.

La mine automatique est aveugle, avons-nous dit. Elle frappe l’ami comme l’ennemi, témoin l’infortuné Boyarin coulé par ses propres torpilles. Elle pourrait servir à la guerre du large : les Japonais l’y ont essayée le matin du 10 août 1904, sans autre succès, d’ailleurs, que d’obliger l’escadre russe à changer de route. Mais, sur le champ immense de la mer, il faudrait la jeter avec une prodigalité qui en exclut l’usage. Elle est ainsi réduite à un double rôle, fort honorable mais pourtant accèssoire :