Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/881

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur lesquels il ne possède aucune donnée certaine, l’un relatif au déplacement du but, l’autre à celui du milieu intermédiaire. Il se produit en effet un entraînement, soit par l’eau, soit par l’air traversés ; il faudrait connaître, pour l’obus, le sens et la vitesse du vent réel, pour la torpille le sens et la vitesse du courant. Il faudrait connaître aussi la direction précise et l’exacte vitesse du bâtiment visé, car il change de position vraie pendant la course de la torpille ; il pourra même modifier sa route. A cela point de remède. Mais supposons son cap et son allure invariables ; si la torpille fait son propre parcours à 30 nœuds, elle emploie près de trois minutes et demie à franchir 3 000 mètres. On aura pu, la nuit surtout, à cette distance, se tromper de 3 ou i nœuds sur la vitesse du but, de 20 à 30 degrés sur l’orientation de sa route, et lui donner ainsi rendez-vous à plus d’un kilomètre du point où il se trouvera véritablement, à l’instant où la torpille devrait le rencontrer. Il va sans dire qu’à 6 000 mètres, l’écart possible serait bien plus que doublé, quand ce ne serait que par suite de la moindre rapidité de la torpille. Et plus l’adversaire ira vite, plus l’évaluation de sa marche sera incertaine.

Cet aléa condamnerait la torpille, n’était la gravité de ses blessures. Elle frappe sous la cuirasse et dans les œuvres vives, et produit des brèches autrement larges qu’aucun obus de gros calibre : par exemple, lors de la guerre russo-japonaise, le croiseur russe Pallada fut atteint par une torpille automobile, qui fît dans sa coque une trouée de 4 mètres sur 4 ; sur le transport japonais Sado-Marou, frappé deux fois, une voie d’eau avait <S mètres carrés, l’autre plus de 20. Il semble donc qu’une seule atteinte suffise à couler aisément un bateau de guerre, tandis que le feu de l’artillerie n’y parvient que difficilement et au moyen d’un grand nombre de coups. Il reste toutefois à voir si les conditions de son emploi permettent à la torpille de réaliser ce qu’elle promet. Avant d’aborder cette étude, disons un mot des mines sous-marines.


II. — LES MINES SOUS-MARINES

Bien plus anciennes que la torpille automobile, les torpilles fixes, dérivantes ou remorquées, qu’on qualifie de mines sous-marines,