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résoudre toutes les énigmes, ou, à son défaut, par le culte de l’humanité qu’Auguste Comte appelait de ses vœux.

M. Boutroux nous montre, à l’opposé, la religion, — une fois amenuisée au seul sentiment intérieur, — affranchie par Rischtl de la connaissance scientifique, la conditionnant avec Maurice Blondel et, finalement, la commandant avec le pragmatisme qui subordonne les sciences à l’utilité supérieure que représente la foi.

Ni la solution scientifique, ni la solution fidéiste ne satisfont M. Boutroux. Il reproche à la première de méconnaître le besoin qu’a toujours ressenti l’âme humaine de se prendre à une réalité transcendante, dont ne saurait tenir lieu ni la science, ni l’humanité, non plus, d’ailleurs, qu’un inconnaissable absolu ; cependant qu’il souligne l’impossibilité radicale où nous nous trouvons d’expliquer cette aspiration par ses ingrédiens. En revanche, M. Boutroux fait grief au fidéisme de falsifier et la religion, qui n’est pas plus un pur subjectivisme qu’un expédient, et la connaissance scientifique, qui n’est pas que symbole et convention. Le dualisme, enfin, qui sépare les deux domaines par des cloisons étanches, ne lui agrée pas davantage. Convaincu de l’unité de l’esprit humain, ce ne lui semble être que par artifice qu’au seuil de son laboratoire le savant dépouille le croyant ou qu’en prenant de l’eau bénite le fidèle laisse l’homme de science à la porte. C’est, à l’entendre, un procédé ; ce ne saurait être une solution. Aussi bien, les choses ne lui paraissent se concilier vraiment que lorsqu’elles s’accordent.

Ceci explique pourquoi, délaissant l’aspect objectif de la question, c’est-à-dire l’accord de la science et de la religion, il la porte sur le terrain tout psychique des rapports de l’esprit scientifique avec l’esprit religieux.

Le problème ainsi présenté, M. Boutroux n’a pas de peine à prouver, grâce à sa philosophie de la contingence, que l’un ne contredit pas l’autre. Il ne se contente pas d’invoquer le caractère approximatif de la science, car, au dogmatisme absolu des savans, qui leur donnait l’assurance de la vérité foncière, a succédé un dogmatisme relatif, qui n’est pas moins exclusif, car, s’il avoue l’inconnu, c’est pour le qualifier de provisoire. Afin d’abattre cette superbe et, du même coup, de démontrer son dire, M. Boutroux, — comme il en a déjà usé dans le débat de la science et de la philosophie, — s’autorise de ce que la connaissance