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25 janvier. — Avant-hier, il y avait grand bal au Palais-Royal. J’étais très curieux de savoir comment cela s’arrangerait à la nouvelle Cour. Très peu de grandes dames de l’ancienne y ont assisté ; il n’y avait que celles qui y allaient dès le commencement ; la famille du marquis de Mortemart et la princesse Aldobrandini étaient les seuls personnages de quelque poids. Le Duc d’Orléans est profondément blessé de l’attitude de ces dames ; il a dit à quelqu’un qui lui parlait de la beauté de la fête et du nombre des invités présens que tout cela n’était que des figures.

Il n’y avait pas la moindre étiquette à cette fête. Si l’on n’avait été en uniforme, on se serait cru chez un simple particulier. Il n’y a pas eu de cercle. Le Roi allait de salon en salon pour saluer tout le monde et pour parler aux personnes qui se trouvaient sur son chemin. La Reine faisait comme lui accompagnée de ses filles et de Madame Adélaïde ; les Ducs d’Orléans et de Nemours se mêlèrent à la foule. La Reine continuait sa tournée dans une des salles lorsqu’on fit commencer ; ce fut probablement pour éviter la contredanse de cérémonie. Il faisait une chaleur à mourir. La grande moitié de ce monde m’était inconnue. On dansa dans quatre vastes salles. Dans les autres appartemens, on avait dressé les tables de jeu et les buffets. La galerie Valois, avec les appartemens qui l’entourent, ne furent ouverts qu’au moment du grand souper où il y eut près de deux mille personnes assises. Comme il n’y a point de maître de cérémonies, c’est la Reine ou Madame Adélaïde qui m’engagea à danser avec les princesses Louise et Marie.

Après souper, le Duc d’Orléans me conjura de ne point l’abandonner pour le cotillon et le galop. Je le lui promis, mais non sans regrets, prévoyant que nous resterions seuls avec tout plein de monde inconnu. Ce que j’avais prévu arriva. Au cotillon, il n’y avait plus personne de ma connaissance. Le Duc m’avoua lui-même ne connaître que trois ou quatre de ces dames. C’était une réunion de femmes inconnues et peu jolies.

— Prenons courage, me dit le Prince, et faisons aller tout cela.

Le bal a duré jusqu’à cinq heures du matin.


8 février. — J’ai fait aujourd’hui quelques visites, entre autres chez lady Granville et lady Stuart. J’ai trouvé chez cette