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aurait passé du côté du peuple et la guerre civile eut été inévitable.

Le Roi a passé en revue toute la garde nationale et l’on prétend maintenant qu’elle est animée du meilleur esprit possible. J’aime à le croire !


26 décembre. — Tout le monde parait renaître dans Paris, on est rempli d’espoir et l’on ne pense qu’aux étrennes. Toutes les boutiques sont encombrées et les marchands ne savent où donner de la tête pour suffire à tant de commandes, car ils sont au dépourvu.

On ne parle plus que de bals et de fêtes qui doivent se donner au Palais-Royal. Il y aura grand concert bientôt et l’on n’attend que la fin du deuil du roi de Naples, pour faire danser tout Paris. On dit aussi que les habits bourgeois ne seront plus tolérés au palais, tout le monde s’y rendra en uniforme ; on prétend aussi que ces fêtes se donneront au Louvre ou aux Tuileries : ce sera une manière de transition insensible, tandis que de s’y loger tout d’abord aurait peut-être fait une mauvaise impression.

La Fayette doit décidément quitter ses fonctions de chef de la garde nationale ; en un mot, les actions de la monarchie sont à la hausse, au point que les Carlistes commencent déjà à prendre ombrage de la position forte de Louis-Philippe. Ceux qui aiment la tranquillité s’en réjouissent ; le parti républicain se retire et se cache dans ses antres, probablement pour méditer quelque nouvelle attaque.


29 décembre. — Voilà encore une modification ministérielle : Merilhou est devenu garde des Sceaux et Barthe, ministre de l’Instruction publique. Je crois que ce changement n’aura pas une bien grande influence sur les affaires et sur la société. La nouvelle n’a pas fait la moindre impression, d’autant plus qu’on ne songe plus qu’aux fêtes et aux amusemens dont les Parisiens sont si avides et dont ils croient avoir été privés depuis une éternité. Les Carlistes cependant veulent résister à la tentation. Ils veulent tenir bon et ne pas danser pendant tout un hiver. Ils ne répondent de rien pour l’année prochaine. Ceux et celles surtout qui ne se croient pas assez forts pour ne point être entraînés par la magie de ce tourbillon de gaîté folle, se retirent à la campagne.