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de Vincennes est entrée dans Paris ; elle a passé par le faubourg Saint-Martin, au milieu des attroupemens, sans coup férir en criant : « Vive le Roi, vive le Duc d’Orléans ! » Arrivée ainsi au Palais-Royal, ses cris ont redoublé. Le Roi est descendu dans la cour d’honneur, a exprimé ses remerciemens à cette troupe ; puis se mettant à sa tête avec les Ducs d’Orléans et de Nemours, il a parcouru tous les plus mauvais quartiers et partout il a été reçu avec les plus vives acclamations de joie et d’enthousiasme. C’est une véritable marche triomphale. Les étudians se joignent cette nuit à la garde nationale pour faire la ronde dans cette ville.


23 décembre, à minuit. — Nous avons passé notre soirée au Palais-Royal pour féliciter le Roi et sa famille de l’heureux dénouement d’une crise aussi dangereuse ; ils étaient tous ivres de joie. Je n’ai vu le Roi que très peu d’instans ; il nous quitta pour se rendre au Conseil des ministres. La Reine avait l’air d’une personne à laquelle on a rendu la vie. Madame Adélaïde est rayonnante. Sa Majesté la reine des Français accepta nos félicitations avec sa bonté et sa grâce ordinaires ; toutes les personnes qui sont sur la petite liste du Palais-Royal s’y sont rendues ce soir pour exprimer leur intérêt à la famille royale. C’étaient la princesse de Wagram, la duchesse d’Albufera, la duchesse de Trévise, les maréchaux Gérard et Maison, le duc de Broglie, la duchesse de Montmorency, la comtesse de Saint-Aldegonde, le prince et la princesse de la Moskowa, la grande référendaire de Sémonville, Mme de Boigne, la maréchale Soult, Mme de Montalivet. La Reine assurait à tout le monde qu’elle n’avait pas eu un instant de peur : c’est ce que tout le monde admira, mais personne ne crut.

Mme de Montjoie, dame d’honneur de Madame Adélaïde, me dit qu’elle ne trouvait pas dans tout cela de quoi féliciter le Roi.

— Ce n’est, me dit-elle ; autre chose qu’un replâtrage qui ne me donne pas beaucoup d’espoir pour l’avenir.

M. d’Hulst, mari d’une des dames d’honneur de la Reine, m’a dit qu’entre trois et quatre heures après-midi, il croyait la cause perdue.

— Si les étudians, qu’on a su gagner, ne s’étaient point déclarés pour nous, continua-t-il, la moitié de la garde nationale