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s’arrêta court pour chercher une feuille qu’il avait oubliée chez lui, on s’en moqua sans pitié. J’eusse fait de même si l’extrême embarras qui se manifesta sur sa personne, par un tremblement affreux de tous ses membres et par des grimaces horribles, ne m’eût fait pitié.

Martignac fit encore la plus belle réplique improvisée qu’on puisse entendre, et, après avoir déclaré qu’il n’avait plus rien à ajouter, il invita ses collègues à prendre la parole ; mais ceux-ci déclarèrent aussi n’avoir plus rien à dire. M. le président invita par conséquent messieurs les pairs à se former en comité secret afin de prononcer le jugement. Alors, on commença à évacuer les tribunes et les pairs mêmes se levèrent. M. Pasquier les engagea de nouveau à se rasseoir ; les huissiers frappèrent avec leurs cannes, et le silence se rétablit ; le président, après quelques secondes, dit d’un air solennel : « Messieurs, la séance est levée ! »

Ainsi que je me l’étais proposé hier, j’ai fait tout le tour du grand carré formé par la garde nationale pour la défense du Luxembourg. Il me fallut presque deux heures pour me retrouver au point d’où j’étais parti. Partout, j’ai trouvé une foule immense qui se pressait, qui injuriait la garde nationale et qui criait : « Mort aux ministres, mort à Polignac ! » Le jardin du Luxembourg était rempli de troupes ; partout, des feux de bivouac et des canons braqués. Dans ces attroupemens j’ai rencontré Mme de Dolomieu avec Mme de Saint-Maurice. Ces dames me demandèrent des renseignemens sur ce que j’avais vu et comment tout s’était passé dans la Chambre. Elles avaient une peur affreuse, qu’augmentèrent tout à coup des clameurs qui paraissaient partir d’une autre rue. Elles se voyaient déjà engagées entre les deux parties belligérantes. Heureusement, ce n’étaient que des cris de vendeurs de brioches.

Rencontré aussi le comte Léon Potocky qui m’a assuré qu’on avait découvert un complot à la tête duquel se trouvent les généraux Bourdeau et Favier. Je suis convaincu qu’il n’en est rien, et que c’est La Fayette, Odilon-Barrot, Dupont de l’Eure et compagnie qui ont inventé ce moyen de s’imposer au gouvernement de Louis-Philippe. Le Roi a commis l’imprudence de laisser entendre qu’il avait l’intention, le procès fini, de se priver de leurs services ; ils en ont été instruits et, pour prouver combien ils étaient nécessaires, ils ont soudoyé des