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parti et se sont assis avec nous autour de la table à thé, qui est toujours confiée à mes soins. Le comte Pozzo, de mauvaise humeur de ce que ses lettres de créance n’arrivent point et de la fausse position que cela lui donne, parla d’une manière très irritée de l’ancienne Cour et de la famille royale expulsée ; il les traite tous d’imbéciles et les considère comme la cause unique de tous les malheurs qui arrivent à la France et à l’Europe.

Cette supposition est fausse. Charles X et son ministère ont contribué à ces malheurs par les fausses démarches qu’ils ont faites ; mais le mal existait et menaçait de ruiner l’État.

M. de Hocquart, ancien maître de cérémonies à la cour de Charles X, a défendu avec esprit et chaleur la cause de son ancien maître et repoussé l’attaque de l’ambassadeur de Russie.

— Enfin, mon cher comte, s’écria le général Pozzo, on ne peut nier que Charles X, au lieu de s’occuper à gouverner, n’a fait autre chose que se confesser et n’entreprit jamais rien sans demander conseil à son confesseur. Il faut aux Français un roi, mais non pas un cordelier.

Il proféra ces derniers mots avec une extrême violence et après nous avoir salués, il se leva et nous quitta brusquement. Lecomte de Hocquart rit de la retraite subite du comte Pozzo et se retira aussi, mais tout fier de son triomphe, car il prétendait que le général nous avait quittés aussi brusquement de peur de la réplique de son adversaire. Le comte de Sales, ambassadeur de Sardaigne, ne put nous cacher son indignation contre Pozzo.

— Il est de toute impossibilité, disait-il, d’entrer en discussion avec un homme aussi véhément, car enfin, le roi Charles X, en bon catholique, avait raison de demander conseil au ministre de Dieu dans les affaires de conscience ; mais il n’a certainement pas initié son confesseur dans les secrets de l’État.

Comme rectification à ce propos, notre cousin nous cita un exemple qui nous frappa tous.

M. de Villèle, nous raconta-t-il, me parla un jour d’un projet fort important relativement à la Chambre et qui devait avoir pour résultat une grande majorité royaliste.

« — Comment se fait-il, lui dis-je, que vous ne le mettiez pas en exécution ?

« — C’est le Roi, me répondit M. de Villèle, qui n’en veut point !