Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Juillet. Elle a eu lieu avant le diner. J’étais debout à côté du maréchal Maison, lorsque la Reine s’approcha de moi en me demandant des détails sur ce que j’ai éprouvé à Dieppe lors des premières nouvelles de Paris. La question était passablement oiseuse. Je pris le meilleur parti, celui de la franchise, et j’exprimai à Sa Majesté combien je fus peiné et terrifié lorsque j’ai su la révolution de Paris.

— Et moi, me dit la Reine, je ne saurais vous dire ce que j’ai souffert.

— Je le conçois parfaitement, Madame, et Votre Majesté ne sera point étonnée si je me fais l’honneur de lui dire que, pendant les terribles journées et au résultat même qu’elles ont amené, nous avons, l’ambassadrice et moi, constamment pensé à tout le chagrin que ces péripéties devaient causer à la Reine.

— J’aime à croire ce que vous me dites, car je tiens beaucoup à l’opinion de la comtesse ; c’est une personne que j’estime beaucoup. Je lui ai dit et je vous le dis aussi à vous, comte Rodolphe, que la Reine et la Duchesse d’Orléans sont la même personne et que vous la trouverez toujours la même pour vous.

Je fis une profonde révérence.

Madame Adélaïde me parla aussi des événemens ; mais, quoi qu’elle fasse pour paraître affligée, elle ne peut cacher son enchantement d’être appelée Madame, sœur du Roi. Cette petite vanité me choqua beaucoup et je ne suis pas assez sur de moi pour garantir que je ne lui aurais rien dit qui eût trahi ma mauvaise humeur, si, pour mon malheur, on avait encore différé, pendant quelques instans, d’annoncer que la Reine était servie. Le Roi donna le bras à Madame Adélaïde, le Duc d’Orléans à notre cousine et l’ambassadeur à la Reine.

Après diner, nous passâmes dans la galerie de Valois et nous y restâmes tout l’après-midi et la soirée, ce que j’ai trouvé fort long, et fort monotone. Quelques visites sont arrivées, mais rien de bien intéressant.

Je venais de quitter l’ambassadeur d’Espagne et voulais rentrer dans la grande galerie, lorsque le Duc d’Orléans me barra le chemin et entra avec moi dans une longue conversation. Autrefois, nos colloques roulaient ordinairement sur les jolies femmes de la société et autres et sur nos petites aventures dans ce genre, que nous nous communiquions. Cette fois-ci, tout au contraire, il commença à me parler de son métier de prince. Je