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Sur la scène, on chante la Marseillaise, la Parisienne, le Drapeau tricolore ou autres chants patriotiques. Ces manifestations finissent toujours par une quête pour les victimes des glorieuses journées. Dans les commencemens, le parterre forçait à grands cris tout le reste des spectateurs à s’agenouiller ; si l’on s’y refusait, on vous mettait à coups de poing à la porte ; maintenant, on se contente de vous faire lever.


8 septembre. — Les affaires de Belgique prennent une mauvaise tournure. La révolution dans ce pays s’embrouille tous les jours davantage ; bientôt, il sera impossible d’arriver à une issue quelconque, à moins d’une intervention de la Prusse et de l’Angleterre : c’est tout ce qu’on redoute ici. On veut éviter à tout prix la guerre avec l’Angleterre. M. de Talleyrand n’est envoyé à Londres que pour maintenir la paix avec cette puissance. Tout ce qui exerce une mauvaise influence sur le commerce doit nécessairement être évité soigneusement par le gouvernement français ; une guerre anglaise le détruirait entièrement. L’Angleterre, d’un côté, ne veut pas avoir dépensé pour rien l’argent qu’a coûté la construction des forteresses belges et, de l’autre, une année de guerre lui coûterait bien plus que toutes les dépenses qu’elle a faites pour défendre les Pays-Bas contre une invasion française ; ce pays marchand, pour lequel l’or est tout, pourrait bien pencher en ce moment pour la non-intervention ; nous verrons.

On croyait généralement ici que la révolution de Bruxelles serait à Londres tout aussi populaire que celle de Paris : on s’est fièrement trompé sous ce rapport. Elle a fait une bien mauvaise impression en Angleterre et a même beaucoup diminué l’enthousiasme et l’admiration qu’on professait jusqu’à présent pour les événemens en France. La Prusse a grand’peur pour ses provinces rhénanes ; elle est toute prête à s’allier avec l’Angleterre, si celle-ci en veut pour arranger les affaires en Belgique. Supposez que cette alliance se fasse, la Russie et l’Autriche voudront-elles se séparer de ces puissances dans une affaire aussi majeure ? L’Angleterre n’a donc qu’à vouloir pour que toutes les puissances de l’Europe fondent sur la France. Le gouvernement français ne peut fermer les yeux sur un si pressant danger. Il fait donc tout son possible pour contracter une alliance avec l’Angleterre et pour éviter d’intervenir dans