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cet ennuyeux conflit ne valait pas la peine d’une guerre, et Bismarck en avait tiré parti, suivant la jolie expression du Duc d’Aumale. en sortant des iles Carolines par la porte du Vatican. Il espérait désormais, par cette même porte, sortir rapidement du Culturkampf.

Assez ignorant, malgré quinze ans de lutte, des vraies conditions du catholicisme, cette ignorance même l’induisait à des simplifications audacieuses, dont l’écho se retrouvait dans les feuilles gouvernementales. Il lui semblait entrevoir l’Allemagne catholique enfin divisée en deux camps : d’une part, le Pape, les évêques, et les catholiques qui ne faisaient pas de politique, groupés tous ensemble sous l’égide du pouvoir ; d’autre part, Windthorst, qui avait besoin de « prolonger artificiellement le Culturkampf ; » Windthorst, qui c se pendait à la cloche dès qu’il apercevait un motif d’accuser le gouvernement ; » et puis, derrière ce « condottiere, » les Jésuites, « réunion de gens visant à la domination temporelle, et destinés à devenir les chefs de la démocratie socialiste ; » les Polonais, les Guelfes, la « démocratie » cléricale, dont les évêques allaient commencer d’être las ; la Germania, que chaque insuccès de l’Allemagne faisait jubiler. Interpellé au Reichstag, en décembre, sur la fermeture des colonies allemandes aux missions de Jésuites et sur le refus opposé, aussi, à deux Pères du Saint-Esprit, Bismarck, dans un long discours, étrangement offensif, déroulait le procès du Centre, et l’accusait d’avoir tout essayé pour empêcher l’accord avec Rome. « En tout temps, déclarait au contraire Windthorst, j’ai été prêt à faire ce qui dépendait de moi pour amener la fin du Culturkampf, mais je nie que jamais les choses aient approché de cette conclusion. » Le heurt recommençait, entre eux deux, à propos des nombreux Polonais qu’on expulsait de Posnanie : « Vous soulevez la poussière, grondait Bismarck, de peur que l’idée d’apaisement ne prenne le dessus. » Il accablait le chef du Centre de ses froides et hautaines remontrances ; devinant que le dévouement même de Windthorst à l’Eglise ne lui laissait pas, en cette heure de transition, toute sa liberté d’action parlementaire, il raffinait son insolence. L’insolence, peut-être, eût été plus âpre encore, si Bismarck avait pu prévoir que Léon XIII, quelques jours plus tard, allait lui exprimer l’ce approbation des catholiques du monde entier pour l’honneur fait à leur père, à leur premier pasteur. »