Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/793

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condamne à une sorte de disponibilité : ce passé même, superbe et lourd de grandes œuvres, qu’ils traînent avec eux, et dont c’est leur honneur de ne pouvoir se détacher, les arrête, les immobilise en deçà du défilé ; ils sont trop encombrés de gloire pour pouvoir s’y engager, pour pouvoir y évoluer avec la souplesse voulue. La foule étourdie, peut-être, dira d’eux, sottement, qu’ils sont devenus impossibles, qu’ils sont des hommes d’un autre âge ; elle s’imaginera qu’en leur passant outre, le cours des faits les écrase ; elle les traitera comme des victimes : on l’entendra, généreuse ou lâche, les plaindre ou les bafouer. Evêques d’ancien régime effacés par Pie VIl, évêques du Culturkampf effacés par Léon XIII, ils sont supérieurs à toute compassion. Comme dans leur retraite ils paraissent n’être plus rien, la seule ruine qu’on voie est celle de leurs dignités ; mais ils regardent, eux, d’autres ruines, celles de la Constitution civile, celles de la législation de Mai, sur lesquelles se réédifient les nouvelles façades des églises, et qui furent leur œuvre, à eux. Condamnés par le souvenir même, de leurs services à devenir des serviteurs inutiles, ils estiment qu’ils firent, durant toute une heure dont Dieu fixa les bornes, toute la besogne qu’attendait Dieu ; d’autres ouvriers leur succèdent, pour d’autres besognes.

Léon XIII savait corriger les apparentes disgrâces qu’impose l’histoire : il couvrit de la pourpre la gloire de Melchers. Le prélat, qui toute sa vie avait rêvé d’une vie d’ascète, étrangère aux tumultes du monde, et dont le nom, parfois, avait au contraire servi de drapeau pour certains tumultes, cacha sa gloire et sa pourpre dans une retraite austère, où ses intimes seuls purent apercevoir que, pour mieux se préparer à la mort, il était entré dans la Société de Jésus.

A peine la question de Cologne était-elle réglée que d’ennuyeux bruits de presse mettaient en émoi l’Allemagne catholique. Un journal publiait une circulaire qu’au précédent mois de février le vicariat général de Paderborn avait adressée aux curés : ils étaient invités à faire savoir aux clercs qu’ils devaient, pendant six semestres, étudier la théologie dans les universités, y suivre des cours de philosophie, d’histoire et de littérature, et demander aux professeurs des attestations de leur assiduité. Des polémiques acerbes accusèrent l’évêché de Paderborn de reconnaître ainsi les exigences des lois de Mai. Le Saint-Siège, en 1883, avait permis que les prêtres ordonnés depuis 1873 se prévalussent