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VII

Les évêques, les députés, les populations, avaient fait des sacrifices pour la guerre. Léon XIII le proclamait, et les en remerciait. Mais l’heure était proche où il leur en demanderait d’autres ; ce seraient, cette fois, des sacrifices pour la paix. Il y avait un temps où les négociations entre les deux pouvoirs avaient besoin d’être imposées, éperonnées, soutenues par des campagnes parlementaires parallèles : Léon XIII, à part lui, inclinait à penser que cette période-là touchait à son terme. Les campagnes parlementaires devenaient tout de suite violentes ; les négociations avaient besoin de rester calmes. On ne pouvait scander les prochaines étapes de paix par les mêmes accens oratoires, qui durant les grandes luttes avaient exalté l’Allemagne catholique : ils étaient glorifiés, naguère encore, comme d’héroïques défis ; ils couraient le risque, dans un prochain délai, d’apparaître comme de maladroits anachronismes. Dès 1884, le cardinal Czacki disait à Lefebvre de Behaine : « En Pologne on chasse à l’ours. On se garde bien de blesser l’animal, même quand il est à bonne portée, et on s’arrange pour ne tuer qu’avec la certitude de tuer. Il faut faire de même en politique. Le Pape, ne pouvant pas tuer l’Italie ni le prince de Bismarck, ne doit pas les blesser. » De telles maximes prévalaient lentement au Vatican : il était permis de prévoir que, du jour où elles régneraient, l’ardeur du Centre devrait être plus contenue, sous peine de passer pour plus importune aux yeux de Léon XIII qu’aux yeux mêmes de Bismarck. La lettre que le Pape adressait au cardinal Guibert pour y blâmer l’intempérance de certains publicistes catholiques, et pour revendiquer son droit souverain d’apprécier les intérêts de l’Eglise, était exploitée contre la presse du Centre par certaines feuilles allemandes : l’interprétation était tout à fait abusive ; mais du moins cette lettre donnait-elle, sur l’état d’esprit de Léon XIII, certaines indications qui ne pouvaient demeurer inaperçues.

Schloezer et Léon XIII, depuis le début de 1885, avaient causé beaucoup ; Léon XIII, sans cesse, revenait sur l’éducation du clergé, remontrait à son interlocuteur qu’en tous pays, elle était libre. Schloezer ne promettait rien : « Ce Bismarck est un homme dur, » disait mélancoliquement le Pape. Quelquefois, entre Schloezer et Jacobini, la conversation s’égarait sur la