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prêtres que le ministère prussien se refusait à laisser rentrer pussent ainsi forcer les frontières prussiennes, par la volonté du peuple allemand. 217 voix se rangeaient derrière Windthorst pour achever de pulvériser ce morceau des lois de Mai. Deux années plus tôt, il y avait encore eu, pour le maintenir, 115 membres du Reichstag ; il n’y en avait plus que 40, en 1884. Pour la seconde fois, le Reichstag était mis en branle, contre une des lois du Culturkampf que Bismarck, jadis, avait apporté le plus d’acharnement à faire voter ; et le chancelier, rencontrant Windthorst peu de temps après, se montrait pour lui plein d’égards. « Comment faire autrement ? disait-il plaisamment aux nationaux-libéraux qui s’en étonnaient. Songez au grand corps que ce petit homme a derrière lui. »

Mais le jour même où Windthorst avait dirigé contre la loi d’expatriation cette victorieuse attaque, paraissait dans les feuilles prussiennes la liste des personnages qu’allait introduire le roi de Prusse dans son conseil d’État réorganisé. On y relevait le nom du baron de Schorlemer-Alst, député ; et les noms du futur cardinal Krementz, alors évêque d’Ermeland, et du futur cardinal Kopp, alors évêque de Fulda. Un tribun du Centre, deux dignitaires de l’Eglise, étaient officiellement installés dans le corps suprême de l’Etat prussien ; et les deux prélats étaient inscrits dans la section qui s’occupait spécialement des affaires religieuses et scolaires. Le peuple catholique allait savoir qu’ils y figuraient, qu’ils y travaillaient ; il accorderait moins de crédit peut-être aux violentes doléances du Centre. Bismarck évidemment attendait beaucoup de cette nouveauté. N’ayant pu s’accorder, jusqu’ici, ni avec le Centre, ni avec la hiérarchie ecclésiastique, il se disait, sans doute, que si l’influence de Schorlemer-Alst, ainsi mis en relief, pouvait prévaloir dans le Centre sur celle de Windthorst, ce serait tout profit pour le repos des ministres ; il espérait, surtout, que l’un des prélats appelés au Conseil d’Etat serait qualifié, tôt ou tard, pour entretenir le Saint-Siège, et pour être, après les longues mésententes, l’intermédiaire compris et exaucé.


VI

La personnalité même des deux prélats ainsi distingués par Bismarck ne donnait pas lieu de craindre qu’intervenant dans