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l’Église, Gossler déclarait que ni Melchers ni Ledochowski ne seraient jamais rappelés par le gouvernement : «. Le ton du ministre est tel, répondit Windthorst, que nous voilà, je le crains, au début d’une ère de combat. » Quatre semaines seulement s’étaient écoulées depuis la visite du prince Frédéric à Rome, qui semblait permettre un pronostic tout autre ; et Windthorst, pour être bien entendu des catholiques, accentuait ces mots : « ère de combats. » Il faisait bon marché des « concessions goutte à goutte, » comme il le disait, captieusement mesurées par le gouvernement ; il voulait la révision des lois. Cinq jours après, il rebondissait : il demandait, cette fois, qu’on abrogeât la loi en vertu de laquelle la Prusse avait suspendu les revenus ecclésiastiques : elle était encore en vigueur à Cologne et à Posen, c’était trop. « Quand rétablirez-vous les revenus ecclésiastiques à Cologne et à Posen ? » insistait-il auprès de Gossler le 5 mars. Le ministre répondait : « C’est au gouvernement de concerter lui-même sa conduite. » Windthorst s’insurgeait, disait que les députés avaient le droit d’être informés. Les députés apprenaient par la presse, le 27 mars, qu’à Cologne les revenus ecclésiastiques étaient rétablis ; mais Gossler, le 31, retrouvait en face de lui le Polonais Jazdzewski, qui criait justice pour Posen. Avec un Polonais, un ministre bismarckien ne se gênait pas. Non, signifiait Gossler, et il refusait les raisons de son refus. Alors, Windthorst se fâchait : « Je n’ai jamais entendu de réponse pareille ! » « Ce n’est pas là une attitude d’État, protestait Schorlemer-Alst, c’est une attitude de subalterne, de sergent. » « Vous nous revaudrez cela, » clamait Krebs, un autre membre du Centre, en montrant le poing aux ministres ; et la petite voix perçante de Windthorst, dominant le tumulte, bravant le gouvernement, articulait bien haut, pour les fidèles et pour le Pape : « Qu’on ne se laisse pas fourvoyer à Rome : moi et mes amis, nous souffrirons et lutterons encore, s’il le faut, douze autres années. »


V

A Rome, — et certainement Windthorst le savait, — on avait, au matin du 15 mars 1884, recommencé de causer. Léon XIII, ce jour-là, faisait venir Schloezer, il l’informait que le cardinal Ledochowski allait être nommé secrétaire de la Congrégation