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profitaient, mais les intérêts généraux de l’Eglise risquaient d’en souffrir ; et le Centre pouvait craindre, comme le Vatican, que les populations, se laissant assoupir, lentement, par les demi-résipiscences partielles que l’habileté de l’Etat savait concerter, ne fussent désormais plus lentes à se mobiliser, pour acculer la Prusse à une complète résipiscence.

Mais il y avait deux régions en Prusse, dont les pasteurs demeuraient émigrés et déposés : c’était l’archidiocèse de Cologne et l’archidiocèse de Posen. « La grandeur d’âme du gouvernement, notait Auguste Reichensperger, ne va pas jusqu’à rappeler Melchers et jusqu’à rappeler Ledochowski. » Schloezer repoussait même l’idée que Rome put nommer à Posen un coadjuteur ; car ce serait supposer, disait-il, que Ledochowski est régulièrement évêque, et nous ne l’admettons pas. Dans ces deux grands diocèses, faute d’une administration épiscopale reconnue par l’Etat, certains articles des lois votées restaient sans application ; les poursuites pour délits de culte, ou pour délits dans l’exercice de la juridiction, ou pour exécution des ordres d’un évêque révoqué, continuaient de s’exercer, trop nombreuses encore, quel que fût l’effort de l’Etat pour en restreindre le nombre ; et comme la magistrature et la police, armées des lois de Mai, arrivaient fatalement à des décisions odieuses, il advenait encore, au moment même où d’autres diocèses semblaient en paix, que des paroissiens fussent frappés d’amende pour avoir enterré leurs morts au cimetière sans l’agrément du curé d’État, ou qu’un prêtre polonais, sur qui pesaient de nombreuses condamnations, fût sommairement expulsé de Posnanie. La Prusse, à l’Ouest et à l’Est, était ainsi comme encadrée par deux régions toujours endeuillées, dont l’aspect contrastait avec celui du reste du royaume. Windthorst, sachant rendre fatigante pour l’Etat son infatigable ténacité, tint l’Allemagne en éveil en parlant sans cesse, à la Chambre, de ces deux régions-là

Une fois sorti du Landtag, il n’était pas en mauvais termes avec le ministre Gossler, et les caricatures, même, les représentaient trinquant ensemble ; mais dans l’enceinte de l’assemblée, Gossler, à tout propos, voyait reparaître, toujours les mêmes, certaines revendications indiscrètes, certaines questions importunes. Le 18 janvier 1884, à l’occasion d’un vœu émis par Auguste Reichensperger et tendant, une fois de plus, au rétablissement des garanties constitutionnelles jadis accordées à