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donjon de Canossa, descendit de voiture, à son tour, dans la cour Saint-Damase, pour venir lui-même causer.


IV

Les premiers mois de 1884 furent vides de négociations : Rome en fut péniblement surprise. Le fonctionnement même des lois réparatrices, et l’habile usage que faisait la Prusse de ses pouvoirs discrétionnaires, ramenaient, dans beaucoup de diocèses, un état de choses qui, dans les apparences au moins, était satisfaisant. La dispense de l’examen d’État était accordée à presque tous les prêtres pour lesquels l’évêque de Culm l’avait sollicitée ; seuls, ceux qui avaient étudié hors d’Allemagne, soit à Rome, soit à Innspruck, étaient exclus de cette faveur. Plus d’un millier de prêtres, en vertu de la loi de 1882, étaient ainsi reconnus aptes à exercer le sacerdoce, et les administrations épiscopales, en vertu de la loi de 1883, les dispersaient un peu partout, à titre provisoire, pour des ministères sédentaires. Les populations voyaient derechef, au milieu d’elles, des hommes d’Eglise, possédant pour l’administration des sacremens toutes les prérogatives des curés : le titre seul leur manquait ; mais aux yeux de la masse, l’essentiel était obtenu. D’autre part, les « curés d’Etat » qui depuis le Culturkampf, exerçaient, de-çà de-là, malgré les excommunications épiscopales, un ministère restreint et méprisé, se décourageaient définitivement ; de mois en mois, leurs démissions se succédaient. Le prélat Brinkmann, en janvier 1884, rentrait d’exil : l’Etat lui permettait de reprendre ses fonctions d’évêque de Munster. Le rétablissement par l’Etat des revenus ecclésiastiques, accompli dans plusieurs diocèses, était, au début de cette même année, décrété pour trois diocèses encore. Ainsi s’accroissait, sur la terre de Prusse, le nombre des bourgades catholiques où l’on ne ressentait plus, ou presque plus, les effets visibles du Culturkampf ; et peut-être Bismarck se flattait-il que dans un certain nombre de diocèses l’opinion catholique, superficiellement satisfaite, se montrerait plus tiède, désormais, à soutenir les revendications du Centre, et qu’en voyant s’apaiser l’esprit belliqueux de ses fidèles, le Vatican deviendrait plus accommodant. Les demi-réparations qu’accordait la Prusse aux catholiques marquaient ainsi, tout à la fois, un progrès et un péril : l’action pastorale et le bien des âmes en