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qui m’a réjoui aussi, c’est d’avoir pu faire une visite au Pape. J’espère que pour toutes les relations, ces dernières journées seront d’une heureuse portée, propice à la paix. »

La paix, on en rêvait aussi, ces soirs-là, et l’on croyait presque l’avoir atteinte, dans la petite ville de Limburg, toute pavoisée pour fêter l’évêque Blum ; un concert y avait lieu, où le doyen de la cathédrale, dans un discours étudié, célébrait l’Empereur, le Pape, l’évêque rentré d’exil, et le prince de Loewenstein, l’un des fondateurs du Centre, qui avait hospitalisé l’évêque émigré. Que la paix fût proche entre le Saint-Siège et l’Allemagne, l’Europe elle-même semblait toute prête à le croire, et comme Léon XIII se proposait d’adresser une encyclique aux évêques français sur les lois dont le parti républicain frappait ou menaçait l’Eglise, Lefebvre de Behaine sut demander et obtenir qu’avant d’envoyer ce document le Pape attendit que fût effacé, en France, le souvenir des courtoisies germaniques.

Mais si la visite du prince Frédéric, studieusement concertée, respectueusement accomplie, était interprétée par l’opinion publique internationale comme un sourire de l’Allemagne au Saint-Siège, le Vatican n’escomptait pas, pour cela, un rapide arrangement du conflit. Revoyant Schloezer quelques jours plus tard, le Pape lui disait les plus belles choses sur son impérial visiteur ; Schloezer s’empressait de les confier à Lothaire Bûcher, le familier de Bismarck ; mais Schloezer ajoutait : « Que le prince n’ait apporté rien du tout, ni à propos des séminaires ni à propos de l’évêque de Munster, cela, naturellement, a rendu les gens soucieux ; les augures du Saint-Siège ne savent même pas s’expliquer ce hiatus. » Volontiers croirions-nous qu’ils faisaient retomber sur Bismarck la faute du hiatus. Que n’avait-il chargé le prince Frédéric d’apporter des concessions, puisque à l’avance celles de Léon XIII étaient prêtes ? Le Pape et le Prince s’étaient tendu la main : c’était déjà quelque chose ; mais si Bismarck avait enfin voulu, ni la main princière, ni la main papale ne fussent restées vides. Léon XIII rappelait quelques semaines plus tard à un gentilhomme prussien que, sous Pie VII, le chancelier Hardenberg était descendu jusqu’à Rome, et qu’il en avait rapporté la bulle De sainte, c’est-à-dire la paix : il n’eût pas déplu, certes, à la somptueuse imagination du Pontife, que le chancelier de fer, franchissant les Alpes et laissant un peu à l’écart, dans la traversée de l’Emilie, l’importun