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déception profonde. La décision fut prise le 9 septembre, et communiquée par le cardinal Jacobini à l’archevêque Melchers. On ne réclamerait pas formellement la dispense ; mais on prierait le gouvernement, — c’était la formule suggérée par Krementz, — d’ « carter les obstacles » qui fermaient à tels et tels prêtres la carrière sacerdotale. Cette requête serait présentée par l’évêque de Culm, doyen de l’épiscopat prussien ; il y joindrait, pour chaque diocèse, la liste de tous les clercs ordonnés depuis 1873 et qui étaient susceptibles de profiter de la dispense d’État : le chiffre total de ces prêtres s’élevait à environ 1200. La démarche serait faite « seulement pour cette fois, et seulement pour le passé. » Si le Vatican eût laissé espérer qu’elle serait renouvelée d’année en année, la Prusse aurait pu juger superflue la révision des lois sur l’éducation cléricale ; et c’est ce que Léon XIII voulait éviter.

Schloezer, de retour à son poste, insinua que Léon XIII, après avoir songé à satisfaire les populations catholiques de Prusse, devrait tâcher de faire plaisir au roi de Prusse. Que Melchers fût toujours archevêque de Cologne, que Ledochowski fût toujours archevêque de Posen, c’était bien gênant pour la paix future : le Vatican ne pourrait-il les sacrifier ? Ainsi parlait Schloezer, moitié caressant, moitié récriminant, dans ses entretiens avec Jacobini. Le secrétaire d’Etat laissait dire, et temporisait. On s’inquiétait un peu, au Vatican, de ce que faisait en Allemagne le cardinal de Hohenlohe : il avait soudainement quitté Rome, au début d’octobre ; et Léon XIII redoutait que Schloezer, un jour ou l’autre, ne sollicitât expressément quelque diocèse prussien pour le troublant cardinal.

On attendait chaque jour quelque mauvaise surprise, lorsque le 7 décembre 1883, coup sur coup, deux surprises arrivèrent, et toutes deux étaient bonnes. On apprit que la Prusse, appliquant pour la première fois certain article de la loi de 1882, autorisait l’évêque Blum, de Limburg, à rentrer en Allemagne et à reprendre ses fonctions d’évêque, et l’on apprit que le prince Frédéric, l’héritier même du trône impérial et royal, qui se trouvait à Madrid, repasserait par Rome avant de regagner Berlin, et qu’il y verrait le Pape. C’était Bismarck qui, tout seul, avait ainsi disposé des journées du prince : Guillaume s’était inquiété, se demandant s’il y avait-pour son fils toute certitude d’être accueilli au Vatican ; Bismarck avait rassuré l’Empereur.