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des clercs : et cela, déjà, leur était pénible. Certains craignaient, aussi, que si les populations voyaient des prêtres se réinstaller chez elles, à demeure, elles ne fussent peu attentives aux conditions singulièrement anormales de leur ministère ; qu’elles ne crussent la lutte finie, et que le gouvernement, émoussant ainsi leur résistance, ne fût à l’aise, ensuite, pour maintenir le reste des lois de Mai. Mais d’autres prélats observaient qu’en remplissant auprès du pouvoir civil une simple formalité, on assurait dès maintenant à d’innombrables populations catholiques les secours religieux sédentaires, dont elles se plaignaient d’être privées ; qu’elles comprendraient mal une attitude négative de l’Église ; et que le gouvernement, par dépit, reprendrait peut-être les hostilités. Tous les évêques furent d’avis de s’en remettre au Pape du soin de trancher la question : et finalement tous souhaitèrent, à l’exception d’un seul, que le Pape lui-même demandât à la Prusse, en vertu de la loi de 1882, pour tous les clercs ordonnés depuis 1873, une dispense générale de l’examen d’Etat ; qu’il laissât voir très clairement que cette demande était de sa part une concession ; qu’il réclamât en retour, de la part du gouvernement, la promesse ferme de réviser les lois sur l’éducation du clergé ; et que, s’il préférait confier aux évêques le soin de solliciter la dispense, il fixât les conditions de leur démarche. C’est en ce sens que l’archevêque Melchers écrivait à Léon XIII ; et il lui représentait une fois de plus, au nom des évêques, que le Saint-Siège, relativement a la nomination des curés, ne devait rien concéder avant d’avoir obtenu la révision des lois de Mai.

Jacobini, le 13 août 1883, souhaita de Krementz, évêque d’Ermeland, quelques éclaircissemens. C’est contre ce prélat que douze ans plus tôt s’étaient essayées les premières armes du Culturkampf ; on ne pouvait redouter d’un tel prêtre aucune suggestion de lâcheté. Mais il avait autrefois, comme curé de Coblentz, beaucoup approché l’Empereur et l’Impératrice : ce fait, déjà, donnait du poids à sa parole. Et puis, surtout, il vivait en terre prussienne, au milieu des populations ; il savait ausculter leurs plaintes, discerner leurs désirs exacts, mesurer la vraie portée de leurs élans. Les évêques exilés, quelques liens étroits qu’ils gardassent avec leurs diocèses, ne pouvaient communiquer qu’avec un petit nombre : le grand nombre, la foule, obsédaient sans doute leur pensée, mais ne tombaient plus,