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catholique répond par des rires sarcastiques ; il a maintenant plus de respect pour le courage, l’adresse et la puissance d’un vicaire, que pour tous les conseillers secrets et leurs ministres de réconciliation... Mais tous les loyaux patriotes qui n’auraient jamais voté une seule des lois du Culturkampf, s’ils n’avaient pas été convaincus que l’homme qui les désirait garderait son vœu de croisade pour une grande cause, n’est-il plus question d’eux ? ne comptent-ils plus ?


A quoi Bismarck, pour la centième fois peut-être, redisait devant ses scribes de presse : « Est-ce ma faute, à moi, si ces hommes-là m’ont lâché ? » Se rejeter mutuellement le reproche d’abandon est en général un mauvais moyen de rapprochement. Un mot du ministre Gossler à la Chambre des Seigneurs avait achevé d’exaspérer les libéraux : il laissait voir très clairement que, dans la pensée du gouvernement, la loi ne devait pas être un point d’arrêt, mais une étape, et non pas seulement limiter le terrain de guerre entre les deux pouvoirs, mais les acheminer l’un et l’autre vers la paix.


III

Mais à peine Gossler avait-il ainsi parlé, que, dans un article assez impertinent, d’inspiration nettement bismarckienne, la Gazette générale de l’Allemagne du Nord signifiait au cardinal Jacobini comment l’Allemagne, à l’avenir, entendait négocier. Jacobini était vivement pris à partie pour avoir, dans sa note du 21 juin, désapprouvé le projet de loi : « Il n’eût pas été seulement plus convenable, disait la Gazette, mais plus habile, de ne pas écrire cette note, où les libéraux ont pu voir un persiflage de la Prusse. » Elle accusait le Vatican d’amoindrir systématiquement la valeur des concessions prussiennes, pour se dispenser plus aisément de se montrer lui-même conciliant. La Prusse attendait encore les avances nouvelles de Rome ; si ces avances ne venaient pas, la Prusse réformerait ses lois comme elle l’entendrait. Car la Gazette en avait assez de ces ce artifices diplomatiques surannés, reposant sur un négoce mutuel de sacrifices, et qui sont dans les anciennes traditions du Vatican ; ils sont trop usés, déclarait-elle, pour exercer une influence sur la conduite de la Prusse. » Et la Gazette concluait : « La critique prétentieuse et chicanière que renferme la note du cardinal aura uniquement pour effet d’empêcher que