Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/772

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêtres ; et il concluait que, si la commission n’amendait pas le projet, le Centre le repousserait. Les nationaux-libéraux, s’ils avaient écouté Bennigsen, auraient taché, comme en 1880, de concerter avec les conservateurs un remaniement du texte proposé, et d’amener ainsi l’échec des amendemens du Centre, mais ce conseil de Bennigsen n’avait pas trouvé d’écho ; se sentant de plus en plus isolé, il démissionnait de son mandat. Avec lui disparaissait le seul homme qui eût assez d’autorité pour induire le parti national-libéral a une politique religieuse un peu pondérée, un peu nuancée : ses troupes, lui parti, étaient à la merci de la phraséologie vieillotte, mais toujours ardente, qui jadis les avait entraînées à l’assaut de l’Eglise, et qu’une certaine routine, ou bien un certain respect humain leur défendaient de trouver ridicule. Contre le projet de loi, cette phraséologie se déchaînait. Une profonde division régnait parmi les progressistes. Il n’y avait que les conservateurs, en somme, pour approuver pleinement la nouvelle initiative bismarckienne.

La Prusse parlementaire fut alors témoin d’une audacieuse aventure : Windthorst, prenant les articles qu’avait apportés Bismarck, dit aux conservateurs : « Vous allez les remanier avec moi ; » et les conservateurs obéirent. Ils étaient, la veille, pour le projet de Bismarck : et voici que dans la commission ils émigraient vers un projet transformé, qui pouvait être signé Windthorst. Les deux premiers articles furent maintenus, groupés en un seul. L’article 4 fut supprimé : le Centre se refusait à voter une seule phrase qui prétendit maintenir, même en le corrigeant, l’exercice du droit de véto, et qui, par surcroît, renouvelât implicitement les exigences de l’Etat relatives à l’éducation des clercs. Mais la commission conservait l’article 3, qui supprimait à cet égard la compétence de la cour royale pour affaires ecclésiastiques : c’était encore un morceau des lois de Mai qui tombait. Le droit de veto demeurait tacitement en vigueur, en vertu des articles subsistans de ces lois ; mais du moins la loi nouvelle ne ratifiait pas l’existence de ce droit, elle se taisait. Puis Windthorst imagina de faire insérer un article supplémentaire d’après lequel les évêques reconnus par l’Etat pourraient s’en aller dans les diocèses vacans pour y donner la confirmation et pour y ordonner des prêtres. Les curés reconnus par l’État évangélisaient, depuis 1880, les paroisses vacantes ; les évêques à leur tour pourraient désormais