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Schorlemer-Alst, plus d’un mois, durant, acéra sa riposte ; et, le 25 avril, comme on discutait une motion de Windthorst en faveur de la liberté des sacremens, Schorlemer dit au ministre : « Oui, certes, les périls sociaux existent pour l’Eglise ; mais si dans un pays l’Eglise en souffre, elle continue de prospérer ailleurs ; les trônes, eux, ne se relèvent plus. » Le Centre, ce jour-là, se sentait très fort : il revendiquait pour tout prêtre le droit de dire la messe ; et Gossler, en plein XIXe siècle, avait l’ingrate tâche d’épiloguer et de refuser. « Avant de permettre le culte à un rabbin, ricanait le progressiste Stern, l’Etat s’enquiert-il où il fut élevé ? » Mais l’État se montrait plus exigeant pour l’Eglise que pour la synagogue ; où aboutissait-il ? A priver de curés, dans le diocèse de Posen, 165 paroisses ; à priver de tout secours ecclésiastique, dans le même diocèse, 131 paroisses. C’est à cette indigence spirituelle, signalée par le futur archevêque Stablewski, que Windthorst proposait un premier remède. « Si votre motion devenait loi, protestait gauchement Gossler, le terrain des négociations avec Rome aurait disparu. — Qu’est-ce à dire ? insistait Windthorst ; vous parlez comme l’oracle de Delphes, d’une façon énigmatique, dilatoire. Vous voulez maintenir des contraintes, pour obtenir de la Curie des concessions : est-ce digne d’un gouvernement monarchique ? Le chancelier seul peut déclarer que la messe cesse d’être un délit : aussi je déplore qu’il soit malade ou absent. » Windthorst laissait planer un gros nuage : jusqu’ici, par égard pour l’établissement protestant qu’elle risquait de disloquer, la séparation des Églises et de l’Etat n’avait pas figuré sur le programme du Centre ; mais elle pourrait y figurer un jour... Pour la motion qui se discutait ce jour-là, Windthorst escomptait l’appui des conservateurs, qui, de fait, la firent voter, en modifiant un peu la formule ; si jamais il voulait obtenir la séparation, il y réussirait avec l’appui des progressistes. Bismarck, « malade et absent, » constatait que dans le Landtag, les deux politiques que pouvait suivre le Centre, et dont aucune n’était celle du chancelier, étaient assurées de deux majorités.


II

Windthorst donnait une voix à la plainte croissante des populations : de ses lèvres éloquentes, c’était l’innombrable flot