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de l’évêque de Breslau ; la faute en est à vos journaux, elle en est à Windthorst. » Gossler en général avait moins de courtoisie pour l’Église que son prédécesseur Puttkamer ; et d’ailleurs, son agacement s’expliquait. Sa politique ecclésiastique, subordonnée aux volontés bismarckiennes, avait cessé d’être une affaire intérieure du royaume ; l’initiative n’appartenait plus à ses bureaux, mais à la diplomatie ; et, suivant que la diplomatie serait jalouse de plaire ou désireuse d’intimider, il recevrait des ordres différens et les accomplirait, étant bon fonctionnaire, avec la même ponctualité. Mais devant le Landtag, il demeurait l’homme responsable, que le Centre harcelait, que le Centre traquait. Il est parfois plus facile d’attaquer que de se défendre. Gossler attaquait les gens du Centre : c’était sa revanche sur leur curiosité d’interpellateurs. Mais alors, du haut de sa petite taille, Windthorst lançait des menaces étranges : « Le jour viendra où tout sera plus connu ; ces messieurs peuvent être assurés que je ne quitterai pas le monde sans avoir ouvert mon portefeuille, et ils feront alors d’autres visages que maintenant. » Puis, le lendemain, 23 février, Auguste Reichensperger, à son tour, s’acharnait contre l’agressif ministre, et l’obsédait pour savoir ses intentions. Les pourparlers avec Rome continuent, disait froidement Gossler. Mais Windthorst n’admettait pas l’échappatoire ; Windthorst voulait un oui ou un non. « Proposerez-vous, demandait-il à Gossler, la suppression de la loi qui suspend les traitemens ecclésiastiques ? » Gossler se taisait. « Oui ou non ! reprenait Windthorst, parlez ! — Je sais ce que j’ai à faire, déclarait le ministre. — Vous n’avez pas le droit, signifiait le chef du Centre, de ne pas renseigner les députés. » Et Gossler bousculé cherchait un refuge derrière les textes constitutionnels. C’étaient ensuite les questions locales de Posnanie, et puis l’état des universités, et puis la surveillance policière pesant sur les religieuses, qui suscitaient de nouvelles escarmouches. Un tribunal zélé venait de condamner un curé à six mois de prison : il fallait que là-dessus, aussi, Gossler, répondit : « C’est la loi, confessait-il ; je ferai ce que je pourrai. » On voulait l’acculer à se sentir gêné par la loi, et à l’avouer.

Le 16 mars, on lui représenta qu’en retardant la paix religieuse, il développait dans l’Etat le péril social ; il refît le procès du Centre, et puis il ajouta : « Quant aux périls sociaux, je ne m’en laisse pas intimider ; ils menacent aussi bien l’Église. »