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Il est dans la confusion établie entre le droit de se syndiquer et le droit de s’associer, d’où il ressort que, si les amicales se contentent provisoirement d’exercer le second, c’est dans l’espoir d’arriver par là à exercer bientôt le premier, en convertissant l’un dans l’autre. Confusion, disons-nous ? Que signifient, en effet, ces phrases déclamatoires où les instituteurs se déclarent des « citoyens diminués » et, après avoir invoqué les Droits de l’homme, revendiquent pour eux l’exercice du droit commun en matière d’association ? Ce droit commun, personne ne le leur conteste ; ils en jouissent aussi largement que qui que ce soit et l’existence même des amicales en est la preuve. Les amicales sont, en effet, des associations ; le gouvernement les a respectées, il ne leur a nullement ordonné de se dissoudre, son injonction ne s’est adressée qu’aux syndicats. Or les syndicats proviennent de l’exercice, non pas du droit commun, mais d’un droit exceptionnel qui a été accordé, en 1884, aux ouvriers et aux patrons seuls. Le syndicat est en dehors du droit commun ; le droit commun, c’est l’association. Les instituteurs le savent bien, mais ils font exprès de confondre et, toutes les fois qu’ils parlent du droit commun et du droit d’association pour en revendiquer le bénéfice, il faut entendre le droit au syndicat. Eh bien ! ce droit, le gouvernement le leur refuse : toute la question est là Depuis quelques années, ils ont cherché, sournoisement et par toute sorte de roueries, à passer du droit commun au droit particulier, de l’association au syndicat ; on a été faible envers eux ; on a protesté pour la forme, mais on les a laissés faire ; ils se sont enhardis peu à peu, et le moment est venu où ils ont cru pouvoir, avec hardiesse et sans danger, rattacher leurs syndicats illégaux à des organisations purement révolutionnaires. Soit qu’ils aient mal choisi leur heure, soit que le saut ait été trop fort, le gouvernement les a arrêtés. Dans leur étonnement, dans leur irritation, ils ont laissé échapper tout leur secret. Nous le connaissons aujourd’hui : les amicales elles-mêmes, malgré leur modération relative, l’ont imprudemment trahi. Leur manifeste se termine par un blâme formel de la dissolution des syndicats. Nous le croyons bien : si cette dissolution n’avait pas été ordonnée, ils se seraient peu à peu convertis en syndicats et ils auraient suivi la même route que leurs devanciers, jusqu’à la dernière étape qui est la Confédération générale du Travail. Voilà ce que nous avons aperçu à la lumière de ces derniers incidens. Ici encore, une préoccupation de justice nous amène à dire qu’il ne faut pas confondre tous les instituteurs avec les meneurs de leurs syndicats, ou même de leurs amicales. Beaucoup d’entre eux se sont