Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/714

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les unes judiciaires, les autres disciplinaires. Le refus de se dissoudre ayant été plus caractérisé à Paris que partout ailleurs, le gouvernement a résolu de poursuivre devant les tribunaux le syndicat de la Seine, dans la pensée que le jugement qui serait prononcé sur lui s’appliquerait aux autres et formerait jurisprudence. Si ce jugement déclarait le syndicat de la Seine illégal, tous seraient illégaux et le gouvernement aurait une force nouvelle pour procéder à leur dissolution. Mais aurait-il vraiment une force nouvelle ? Avait-il besoin qu’on la lui donnât ? A dire vrai, nous en doutons. Les décisions judiciaires ne se fortifient pas toujours en se multipliant et la Cour de Cassation ayant déjà, par un arrêt rendu en 1905, déclaré les syndicats de fonctionnaires illégaux, la jurisprudence était déjà établie sur ce point : on ne voit pas de quelle utilité peut être le renouvellement d’une procédure qui était épuisée. Le gouvernement, en le provoquant, a paru douter de son droit après l’avoir affirmé. On dira peut-être, et naturellement les instituteurs le disent, qu’il y a en leur faveur une résolution de la Chambre. La Chambre en effet a autorisé, jusqu’à l’établissement du statut des fonctionnaires, le maintien du statu quo en ce qui concerne les syndicats existans. Mais a-t-elle créé par là, suivant l’expression dont se servent les instituteurs, une « légalité provisoire, » constituant pour eux un droit qu’ils s’efforcent de rendre définitif ? Pas le moins du monde. Il n’y a pas de « légalité provisoire » et, s’il pouvait y en avoir une, elle devrait être établie comme la légalité ordinaire, au moyen d’une loi discutée et votée par les deux Chambres. La résolution de la Chambre des députés n’a eu d’autre objet que d’autoriser le gouvernement à ne pas appliquer strictement la loi pendant un temps donné, ce qui était déjà de sa part quelque peu hardi et peut-être inconstitutionnel ; mais le gouvernement conservait sans nul doute le droit, dont il ne pouvait pas être privé, de revenir à la complète application de la loi, s’il le jugeait opportun. Le vote de la Chambre n’avait pas une autre portée. Au surplus, il est inexistant pour les tribunaux, qui ne connaissent que la loi et ne peuvent pas appliquer autre chose qu’elle. A côté des mesures judiciaires qui risquent de traîner, les décisions administratives peuvent être plus promptes. Là aussi, cependant, il y a une procédure à suivre, et elle impose quelques formalités et délais. L’intervention des conseils départementaux est inévitable ; ils ont un avis à donner, sans que le gouvernement soit obligé de le suivre. L’autorité et la responsabilité de celui-ci sont donc entières ; il ne l’oubliera pas ; le mal qui vient de se révéler dans le corps enseignant