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distinguer une verdure exubérante et des arbres à tête ronde, comme dans un jardin anglais. Sur les brisans la vague s’élève en gerbes énormes. L’aspect du paysage n’a rien d’africain : par ce ciel gros de nuages, on se croirait sur un lac du Nord. Quand, après une traversée de trente heures, le bateau accoste au quai d’Entebbe, la pluie tombe, une pluie diluvienne comme il convient sous l’équateur. C’est le dernier épisode de la tempête, et il faut patienter pendant deux heures avant de pouvoir débarquer.


VI

Entebbe, la jeune capitale de l’Ouganda, est le paradis de l’Afrique centrale. C’est là que la duchesse d’Aoste aime à retourner chaque hiver depuis que, comme séjour d’hiver, l’Egypte est devenue aussi banale que la côte d’Azur.

Je m’arrêtai huit jours dans cette délicieuse villégiature que, faute d’espace, je ne puis décrire ici. Puis je me rembarquai sur le Clement-Hill à destination de Jinja où je débarquai le lendemain. Jinja est un port de grand avenir situé au fond de la baie Napoléon, à ce point de la côte septentrionale du Nyanza où le Nil prend naissance à sa sortie du lac et forme une succession de cataractes et de rapides connus sous le nom de chutes Ripon.

La pluie tombait, diluvienne comme d’habitude, et accompagnée de formidables coups de tonnerre, lorsque, le 23 août 1911, j’accostai à l’extrémité de la baie Napoléon, qui est le plus magnifique bassin de verdure qu’offre le Nyanza. Le steamer se range le long d’un môle en bois flanqué de cet inévitable hangar en tôle ondulée où l’on emmagasine les ballets de coton récoltés dans l’Ouganda. Une locomotive lançait son sifflet strident à quelques pas du débarcadère. Déjà on posait les premiers rails du chemin de fer que les Anglais ont résolu de construire vers le lac Choga, et qui sera l’amorce du chemin de fer du lac Albert. Par ce chemin de fer, le Nyanza sera bientôt mis en communication rapide avec le Haut-Nil.

Actuellement Jinja, dont je n’avais jamais entendu le nom, n’est encore qu’un petit poste sans importance ; mais c’est le point où le Nil commence, et voilà qui fait de Jinja un des lieux les plus remarquables du monde. Et cependant, on a beau scruter la baie, on ne se douterait pas que là commence le Nil.