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point d’illuminer tout le continent noir hier encore plongé dans les ténèbres du plus grossier fétichisme.

Les Pères de Mill-Hill, institués par le cardinal Vaughan, se recrutent non seulement en Angleterre, mais aussi en Belgique et en Hollande. On les trouve établis principalement dans l’Ouganda et le Congo. Le Père Brandsma est Hollandais. Son nom est connu dans toute l’Afrique orientale britannique. Il exerce depuis dix ans son rude ministère dans la région des Highlands traversée par le chemin de fer de l’Ouganda. Il est constamment en route à travers la brousse et la montagne, et ses uniques ressources sont les modestes dons volontaires qu’il reçoit dans ses tournées pastorales et qui se bornent à quelques roupies. Le dîner qu’il m’offrit m’a donné une idée de sa pauvreté : un mauvais poisson, des œufs, des bananes cuites, et comme boisson de l’eau de pluie et un affreux café. Pour prétendre que les missionnaires catholiques font bonne chère en Afrique, il faut n’avoir jamais partagé leurs repas de cénobite, qui contrastent étrangement avec la vie large et plantureuse que mènent les missionnaires anglais ; ceux-ci ont charge de femmes et enfans, et souvent mettent les préoccupations commerciales au-dessus du bonheur des noirs. Le seul missionnaire, dans le seul sens qu’il faille attacher à ce mot sublime, c’est le missionnaire catholique. Aussi est-il le seul qui soit attaqué. Mais, dans l’Ouganda, le gouvernement anglais et les missionnaires protestans eux-mêmes lui rendent justice.

Le quartier européen de Kisoumou, qu’on a eu soin de placer sur le point culminant de la colline, passe pour être moins insalubre que les bords du lac, surtout depuis qu’on a bordé les longues avenues de plantations d’eucalyptus dont on connaît l’efficacité contre le paludisme. C’est le long de ces avenues que se trouvent quelques bâtimens à prétentions architecturales, la poste et le télégraphe, la Town Magistrate’s Court, la Banque, la chapelle protestante, la mission de Mill-Hill, et les bâtimens de la prison qu’il m’a paru intéressant de visiter. J’ai vu les condamnés. Sans parler de la peine du fouet, je n’oublierai jamais l’horrible cachot, dépourvu de tout mobilier, où j’ai vu un pauvre noir enfermé derrière les barreaux de fer sans autre alternative que de se tenir debout ou accroupi sur le sol. Je croyais qu’un parricide pouvait seul mériter un tel sort. Or le directeur m’apprit que ce n’était pas un criminel dans