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le chemin de fer jusqu’à Port Victoria, sur la rive Nord du lac. où les eaux sont d’une plus grande profondeur. Après tous les travaux accomplis à Kisoumou, les Anglais ne se résoudront qu’à regret à cette extrémité.

Kisoumou possède, en effet, une magnifique cale sèche et deux quais que j’ai vus encombrés de rails, de traverses métalliques, de balles de coton. On y trouve des ateliers de réparation pour les bateaux amenés d’Angleterre pièce à pièce, une forge, une menuiserie, une fabrique de glace artificielle, une fabrique d’eau de soda à laquelle des conduites amènent l’eau pure prise au centre du lac. Tous ces ateliers ont des machines actionnées par la vapeur et sont établis près de la cale sèche. Et partout c’est l’intelligent et envahissant Hindou qui surveille la main-d’œuvre des noirs. Et une fois de plus, je constate cet obsédant phénomène, la prise de possession de l’Afrique par l’Inde.

Déjà Kisoumou possède une fabrique de coton où le précieux végétal est préparé à la vapeur. Et c’est un spectacle qui fait rêver de voir tomber le coton des machines en floconneuses cascades blanches comme la neige. Ce sont des noirs qui mettent les machines en action, et dont le salaire n’atteint pas le dixième du salaire de nos ouvriers. Lentement, mais sûrement, l’Afrique centrale entre dans l’ère du machinisme. Ainsi les noirs seront d’éternels esclaves, que la direction vienne des hommes ou des machines.

Au sortir de la fabrique, les balles de coton sont chargées sur les wagons du chemin de fer qui stationnent à quai. Et dès aujourd’hui, l’Ouganda est en train de devenir un des principaux centres de production du coton. Pourquoi n’en serait-il pas de même du Congo qui confine à l’Ouganda ? La production de l’Ouganda ne date que d’hier. Le mouvement commença en 1900. Pendant le premier trimestre de cette année, le port de Kisoumou expédia en ballots 34 tonnes de coton ; en 1910, pendant la même période, il expédia 270 tonnes ; en 1911, pendant la même période, 978 tonnes. Si cette progression continue, les Anglais auront drainé le commerce de l’Ouganda avant que les Allemands n’aient terminé le chemin de fer qu’ils construisent de Dar-es-Salam vers les grands lacs. Les Anglais, de leur côté, travaillent à prolonger vers le bassin du Nil le chemin de fer de l’Ouganda. J’ai vu, sur les quais de Kisoumou,